Dror Mishani – Une disparition inquiétante

Mishani

4ème de couv.

Ofer Sharabi n’est pas rentré de l’école.

Le commandant Avraham Avraham, alerté par la mère d’Ofer, n’est pas plus inquiet que ça : les adolescents fuguent volontiers.

Quelques jours plus tard, après l’enquête de routine et une battue infructueuse dans le quartier de Holon où vit la famille Sharabi, il faut se rendre à l’évidence : il s’agit bien d’une « disparition inquiétante ». Le policier, rongé par ses problèmes existentiels, est loin d’aborder l’affaire avec sérénité et lucidité. Il n’a même pas repéré le comportement étrange de Zeev, le voisin prof d’anglais qui donnait des cours particuliers à Ofer.

Dans cette banlieue modeste de Tel-Aviv, chacun a quelque chose à cacher. Et Avraham Avraham se révèle être un enquêteur des plus atypiques. Il faut dire qu’en Israël, selon lui, les tueurs en série, les enlèvements sordides ou autres crimes spectaculaires, ça n’existe pas.

  Ce que j’en pense :

« Savez-vous pourquoi il n’y a pas de littérature policière écrite en Israël ?» demande-t-il un poil désabusé, assis dans le fauteuil d’un bureau sans fenêtre. « Parce que chez nous, il n’y a pas de tueurs en série, pas d’enlèvements et quasiment pas de violeurs qui agressent les femmes dans la rue ».

Cette phrase est le leitmotiv du commandant Avraham Avraham qui, lorsqu’il reçoit dans son bureau cette mère venant signaler la disparition de son fils, n’est pas alarmé outre mesure. Comme il le lui explique, tous les adolescents fuguent. Et il va dès lors privilégier cette hypothèse.

Il n’aborde pas cette enquête de manière très sereine : à l’approche de la quarantaine, sa vie amoureuse est un désert, sa relation avec ses parents devient difficile, son ancienne collègue a été promue commissaire et est maintenant sa supérieure. De plus, elle semble lui préférer un jeune lieutenant aux dents longues. Ça fait beaucoup de contrariétés pour notre homme.

L’intrigue se situe à deux niveaux :
-le premier est de comprendre la disparition d’un adolescent par les moyens d’investigation habituels de police, preuves, témoignages et interrogatoires.
-le deuxième niveau se révèle à travers le personnage de Zeev Avni, un professeur d’école qui habite le même immeuble que la famille du garçon disparu. Il laisse entendre à l’inspecteur, et à nous lecteur, qu’il en sait plus que quiconque sur la disparition de ce garçon. Commence alors un jeu du chat et de la souris avec le commandant Avraham, qui loin d’aider le policier, va le conforter dans son erreur.

Avraham Avraham, (sûrement un clin d’œil au personnage de Meyer Meyer d’Ed Mc Bain), est un policier vraiment atypique, pas particulièrement brillant. Il enquête « à décharge », et recherche plus les preuves d’innocence que de culpabilité. C’est un homme comme vous et moi, manquant de confiance, en proie au doute. Son hobby est de regarder des séries policières à la TV ou lire des romans policiers et prouver que les détectives de fiction se sont trompés. C’est un besogneux, pas un enquêteur de génie avec les fulgurances d’un Holmes ou d’un Poirot.

L’action se situe à Holon, banlieue de Tel Aviv dans une atmosphère évocatrice de la culture judéo-israélienne. L’ambiance familiale et les rapports entre parents et enfants sont bien décrits, ainsi que les relations qu’entretiennent entre eux les différents fonctionnaires de police.
La force de ce roman réside dans le fait qu’il n’a pas besoin d’artifices pour créer une atmosphère effrayante: il est dérangeant et déstabilisant par ses descriptions de la cellule familiale, et des non-dits qui s’y nichent.
Le travail de procédure policière est bien décrit, sans comportements extrêmes, mais une approche réaliste de la résolution d’un crime supposé .
Le rythme est mesuré, et sied bien au commandant Avraham, à sa lenteur, et à la fin du livre, ce personnage demeure encore pour nous un mystère. Alors que nous avons quelques indices sur son futur, on ne sait pas trop de quel bois est fait ce bonhomme, et ce qui se cache sous son écorce.
La narration à deux voix et les chapitres courts contribuent à entretenir un suspense psychologique permanent, jusqu’au dénouement, surprenant… par deux fois !!!

Selon l’auteur « En Israël, ce sont plutôt les espions du Mossad ou les agents secrets chargés de la sécurité extérieure ou intérieure qui incarnent la fierté nationale. Les policiers israéliens souffrent d’une mauvaise image auprès de la population. »
C’est son explication sur le fait qu’il n’y ait pas ou presque de romans policiers en hébreu.
Ce roman, et ceux à suivre, devraient lui donner tort.

L’auteur:
dror mishaniDror Mishani

Universitaire israélien spécialisé dans l’histoire du roman policier, critique littéraire et éditeur de polars renommé, est présenté comme le successeur de l’illustre et regrettée Batya Gour, écrivaine israélienne auteure de polars.

 

 

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