4ème de couv.
A Paris Rue Saint-Benoît, il y a quelques années.
Ce soir-là, le Night Tavern affiche complet. Ce temple parisien du jazz, club incontournable où les plus grands se sont déjà produits annonce un concert étonnant. Sarah Davis, diva incontestée du milieu et star montante d’un important label américain, vient se produire avec Stan Meursault, l’un des pianistes virtuoses les plus doués de sa génération. L’affiche est idéale et le moment suffisamment rare pour attirer la presse. Tout le monde s’attend à une soirée exceptionnelle. Personne ne sera déçu.
Sarah Davis ne sait pas qu’elle vient en France pour la dernière fois, et qu’elle ne chantera plus jamais. Le Night Tavern sera le dernier club où elle aura été vue vivante. Stan Meursault ne sait pas, lui, qu’il va rencontrer son admirateur le plus inattendu : le flic chargé de l’enquête.
Ensemble, ils lèveront le voile sur ce meurtre étonnant. Et cette affaire leur rappellera que si le jazz est une musique improvisée, certaines fins sont écrites d’avance.
Ce que j’en pense :
Dès qu’il s’agit de mariage entre le polar et un genre musical, on pense tout de suite au jazz. On ne compte plus les romans où jazz et blues font partie de l’ambiance, et en sont à vrai dire un élément primordial. Depuis Chester Himes et sa « Reine des pommes », jusqu’à plus récemment John Harvey, en passant par Walter Mosley, nombreux sont les auteurs de polar à avoir étroitement imbriqué le jazz dans leurs romans. Ce constat est également valable pour le cinéma.
J’avais fait la connaissance de l’auteur Samuel Sutra à travers la série des Tonton. Il nous emmène là dans une toute autre direction. Pianiste de jazz lui même, il nous convie à rejoindre une partie de son univers jusqu’ici inexplorée pour nous lecteurs, avec ce titre en forme de clin d’oeil au célèbre « Kind of Blue » de Miles davis.
Sarah Davis chanteuse de jazz, vient d’être poignardée dans sa loge, juste avant un concert qu’elle devait donner au Night Tavern. A quel mobile obéit ce meurtre? Pour quelle raison cette chanteuse mondialement connue vient-elle donner un concert dans cette petite salle, sans se faire payer, et en autorisant que le concert soit enregistré et la bande son cédée à Stan Meursault, son pianiste pour cette jazz session ?
Le policier chargé de l’enquête, dont nous ne connaîtrons que le prénom, Jacques, a son jardin secret : la musique, et en particulier le jazz. Il a longtemps rêvé de pouvoir vivre de sa passion, sans succès. Il aborde donc cette enquête davantage avec le regard du musicien que celui du policier. Entre lui et le pianiste Stan Meursault, un des suspects car il eut par le passé une liaison avec Sarah Davis, va se lier une curieuse relation, faite d’admiration, de respect de l’élève envers le maître et de la sympathie du pianiste envers cet inspecteur mélomane qu’il perçoit instinctivement comme l’un des siens, qu’il sent capable d’écouter, d’entendre et de comprendre.
« C’est sournois, l’oreille. L’aveugle ne voit pas et il le sait. Mais il y a des mecs qui croient entendre et pourtant, sans le savoir, ils sont sourds au dernier degré à tout ce qui touche à la musique. A l’harmonie. Au fait que deux notes jouées ensemble vont faire une couleur. Et pas une autre. Alors, en jazz, n’en parlons pas. Certaines oreilles sont aveugles à ces couleurs de sons…. La mesure est en nous et, si le blues se joue avec les mains, il s’écoute avec le ventre. Le diaphragme. C’est là que les accords vibrent. S’il ne trouve pas à vibrer ailleurs qu’au fond des tympans, c’est que celui qui tente de le jouer n’est pas fait pour cette musique. Qu’il ne sait pas pleurer en silence, à l’intérieur. »
Jacques que je définirais comme pianiste « inachevé » plutôt que raté, pressent que la solution de ce meurtre tourne autour de la musique, de ses acteurs, et le personnage de Sarah Davis qui, bien que disparaissant de la scène dès le début du roman, en reste le personnage central, cristallisant autour d’elle tous les intérêts et toutes les passions.
Les personnages du roman sont peu nombreux et obéissent à des motivations très diverses: Sarah Davis, petite chanteuse frenchie partie se faire un nom à l’étranger, Stan Meursault génial pianiste virtuose mais reconnu uniquement dans le milieu très fermé du jazz, Marianne, serveuse du Night Tavern et follement amoureuse de Meursault, Jacques le flic qui n’ose rêver d’un futur possible avec sa collègue Lisa. Ils sont tous parfaitement dessinés.
Ce roman suit un rythme tout en douceur, fait de subtiles variations. L’écriture toute en finesse. Pas de descriptions gore, de poursuite échevelées ni de scènes d’interrogatoire musclées, les auditions sont faites sur le ton de la confidence, comme chuchotées en contrepoint de la musique, omniprésente. Le scénario est particulièrement bien ficelé, l’intrigue dans le plus pur style « whodunnit » qui, après quelques fausses pistes, nous réserve des scènes finales d’une indicible émotion, qui m’ont laissé la gorge serrée et l’œil humide…
Pour m’inspirer dans la rédaction de cette chronique, je me suis plongé dans l’écoute de différents morceaux de Keith Jarrett, en solo ou bien avec basse et batterie, mais n’étant pas musicien moi-même, et comme le dit Meursault, sûrement un peu « aveugle à ces couleurs de sons », je n’ai pu apprécier pleinement la beauté que confusément, je devine derrière tous ses mots quand il parle de musique, « d’accords inversés » et de «notes bleues». J’ai apprécié le style, le ton et l’ambiance, feutrés et tout en harmonie, et je sors de ce magnifique roman absolument ravi, mais avec une pointe de tristesse et de frustration, dues à mon ignorance crasse en matière de jazz, que je me promets de combler.
Éditions Flamant Noir, 2014
L’auteur:
Samuel Sutra est un écrivain français, né en 1974.
Après des études en Histoire de l’Art, il a obtenu une maîtrise de philosophie à la Sorbonne Paris IV.
Il a été publié par les éditions Terriciae, puis Sirius, et aujourd’hui par les éditions Flamant Noir lesquelles, après avoir publié « Le Bazar et la Nécessité », ont racheté les droits de ses précédents livres, notamment sa série Tonton.
une superbe chronique 🙂 Merci Vincent !!! Maintenant il me faut ce bouquin qui était entre mes mains il y a peu de temps pfffffffffff…
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J’ai beaucoup aimé ce roman, tout en retenue… Mais d’une force…
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Merci pour cette belle chronique Vincent.
J’ai ce bouquin depuis longtemps dans ma pal mais je sens qu’il va remonter maintenant
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N’hésite plus, Marie-Claire… Hop hop hop… 🙂
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Me le faut !!! ,)
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Cette fois c’est pas moi la tentatrice.
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Chacun son tour, comme à confesse… 🙂
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Non, c’est un joli tentateur à moustaches 😉
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Joli? Ça fait longtemps que je n’ai eu droit à ce qualificatif… Tu t’égares, ma belette… 😉
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Mais ne sois pas si négatif !! 😀
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Négatif, non!!! Réaliste… 😉
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PTDR !!
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Une super chronique pour un super bouquin.
Et pourtant je suis pas fan, mais pas fan de Jazz. Oh ne me regarde pas comme cela, méchamment en coin mister Vincent. L’auteur m’a déjà fusiller du regard quand je lui est annoncé.
Une super écriture mais tu en parle mieux que moi de notre Balai d’or 2014.
D’ailleurs à ce propos : Je t’ai ta comme adhérents dans notre assos du Prix du Balai, d’or. Hein dis-moi 😉
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A propos de jazz, c’est un genre que je connais peu, car somme toute assez discret dans les media. Quand tu compares à David Guetta qui fait un tube avec deux notes… c’est d’un accès moins abordable…
Bien sûr, il faut que je t’envoie le chèque. je crois que j’ai ton adresse perso. Je fais ça dans les jours qui viennent.
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très belle chronique mon cher maître ai vraiment beaucoup aimé ce livre!
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Sur la même gamme nous sommes, jeune padawan.. 😉
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depuis le temps que je me dis que je dois lire ce bouquin ! Merci papa Vincent de me remettre le nez dedans 😉
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De plus, toi qui es musicien dans l’âme, tu devrais en apprécier toutes les subtilités mieux qu’un autre… 😉
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exactement ! tu as mille fois raison en plus
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On en reparlera quand tu l’auras lu, hein… 🙂
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J’ai passé un excellent moment avec ce bouquin. Décidément Flamant Noir nous offre un sans faute ! Avec quelques standards du jazz en bruit de fond c’est l’extase.
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Très bon, dans un style différent des « Tonton »…
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J’aime pas le jazz mais ta chronique me fait fondre…je le note donc!!!
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Fonds donc, ma chère… 🙂
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