Tim Willocks – Les douze enfants de Paris

Ce roman nous dévoile la suite des aventures de Mattias Tannhauser, Chevalier de Malte, héros du précédent roman « La religion ». Il doit retrouver sa femme Carla, musicienne et enceinte de leur enfant, venue à Paris pour le mariage de Marguerite de Valois avec Henri de Navarre, le futur Henri IV. L’assassinat manqué contre l’amiral Gaspard de Coligny, un noble huguenot, va précipiter Paris dans le chaos. Dans les trente six heures qui vont suivre et qui marqueront l’histoire de France, Mattias va traverser Paris, jalonnant sa route d’autant de cadavres que d’adversaires qu’il aura rencontrés.

Il va croiser toute une galerie de personnages, parmi lesquels  les grands du Royaume de France, comme le Cardinal de Retz ou le Duc de Guise. Grymonde, l’Infant de Cocagne, chef d’une sorte de Cour des Miracles et Estelle, sa protégée, sont d’autres figures marquantes de ce roman.  Des enfants perdus, dans ce Paris en proie au chaos, viendront se placer sous la protection de Mattias. Toujours enclin à protéger les plus faibles, ce Chevalier de Malte, éduqué dans l’art de la guerre depuis son plus jeune âge chez les janissaires turcs, sait aussi tuer sans pitié et de façon la plus expéditive ceux qui se dressent contre lui.

A ce propos, les descriptions de combats sont particulièrement réalistes. L’auteur nous décrit de la façon la plus explicite les dégâts occasionnés aux chairs, aux os et aux viscères. Il faut avoir le cœur bien accroché pour assister sans émotion à cette boucherie.

« Il frappa en revers, par-dessus la pointe de la lance qui plongeait vers ses côtes ; au même instant, il leva la jambe, une fraction de seconde après son bras, et releva la pique en l’air avec le côté de sa botte. La lance lui passa un pouce au-dessus de la tête. Son épée frappa le premier assaillant sous l’aisselle et éclata la clavicule par en dessous. Avec les muscles de la poitrine et du dos séparés de son bras, l’homme roula de côté, son épée tombant de sa main privée de nerfs. Le coup laissait Tannhauser penché de côté, les deux bras écartés, quand le piquier lui tomba dessus. Le poids l’écrasa contre le plat-bord et la brute changea de prise et ramena la lance de côté vers la gorge de Tannhauser. »

Après « La Religion », j’espérais beaucoup de la suite des aventures de Matthias. D’une richesse documentaire certaine, ce roman aux nombreuses qualités est parcouru par un souffle épique. Tim Willocks nous apporte sa vision toute personnelle de ce moment historique. Sa description du Paris du XVIème siècle est saisissante : dans les lieux qu’il nous donne à visiter,  et dans le labyrinthe des venelles obscures,  dans la saleté, les odeurs et la puanteur que l’on imagine…

Le grand nombre de personnages est un peu déroutant, de prime abord. Heureusement, l’intrigue se resserre bien vite sur une petite douzaine, et des rapports qu’ils entretiennent, les uns vis à vis des autres. C’est un roman sur le chaos, sur la guerre, l’amour et la mort, qui nous montre comment une société peut basculer dans l’horreur, comme l’illustrent les différents conflits interethniques qui agitent notre monde actuel.

Willocks nous offre une narration alternant les points de vue, entre Carla et Mattias. Les chapitres consacrés à Carla, toute en douceur et empathie, font écho à ceux où figure Mattias, dont on entrevoit par moments le côté le plus noir, la machine à tuer qu’ont forgée les janissaires. Masculin et féminin, deux façons différentes d’affronter ces évènements dramatiques.

Je déplore un peu la surabondance des personnages, les allées et venues d’un bout à l’autre de Paris, et le nombre incroyable de morts qui jalonnent son parcours. Je n’en ai pas tenu le compte (sûrement plus de 100!), mais Matthias me semble être un des tueurs les plus productifs que j’aie rencontré dans ma carrière de lecteur.

De façon régulière, on devine le chirurgien sous l’écrivain. Les éviscérations, démembrements et autres blessures infligées à coups d’épée, piques, hallebardes, spontone, flèches et carreaux d’arbalète, ne suffisent pas à elles seules à éviter que par moments, ce roman me semble sonner un peu creux.

Je regrette également que l’auteur ne nous donne aucune explication sur l’enlèvement de Carla, planifié par le Lieutenant-Général du Châtelet. On ne sait pas pourquoi ce personnage voulait autant de mal à Tannhauser et à sa famille. Nous réserve-t-il la réponse pour le 3ème tome?

Même si c’est un peu long (plus de 900 pages tout de même!), c’est toujours distrayant, et admirablement bien écrit. Mais je dois dire que cette suite a été pour moi une petite déception. Je souhaite et j’espère un troisième tome  plus abouti .

Editions Sonatine, 2014.

4ème de couv :

-Willocks-Enfants-Ok23 août 1572. De retour d’Afrique du Nord, Mattias Tannhauser, chevalier de Malte, arrive à Paris. Il doit y retrouver sa femme, la comtesse Carla de La Pénautier, qui, enceinte, est venue assister au mariage de la sœur du roi avec Henri de Navarre. À son arrivée, Mattias trouve un Paris en proie au fanatisme, à la violence et à la paranoïa. La tentative d’assassinat contre l’amiral de Coligny, chef des réformistes, a exacerbé les tensions entre catholiques et protestants. Introduit au Louvre par le cardinal de Retz, Mattias se retrouve bientôt au cœur des intrigues de la Cour et comprend très vite que le sang va couler dans les rues de Paris.
Dans une capitale déchaînée, où toutes les haines se cristallisent, Carla est impliquée au même moment dans une terrible conspiration. Plongé dans un océan d’intrigues et de violences, Mattias n’aura que quelques heures pour tenter de la retrouver et la sauver d’un funeste destin.

L’auteur :

Tim Willocks est un écrivain britannique né à Stalybridge, en Angleterre. Il est l’auteur de romans policiers à succès.
Il peint son propre portrait à travers les caractères de différents personnages de ses romans. On retrouve ainsi un personnage central avec une connaissance approfondie en médecine, en drogues et en arts martiaux. Willocks est lui-même ceinture noire de karaté. Il est aussi un grand fan de poker.

Le premier roman de Willocks, Bad City Blues a été adapté au cinéma par Dennis Hopper. Willocks a également coécrit le documentaire de Steven Spielberg The Unfinished Journey.

Ce roman, deuxième volume d’une trilogie, fait suite à « La Religion ».

(Source: Wikipédia)

 

17 réflexions sur “Tim Willocks – Les douze enfants de Paris

  1. Je suis assez aligné avec ton retour Vincent. J’ai eu les mêmes impressions. Un peu long et répétitif dans le massacre. Après j’adore Tannhauser et l’écriture de Willocks est sublime. Espérons néanmoins que le troisième livre sera plus réussi et retrouvera le souffle de la Religion.

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  2. Dis donc mon ami, tu as la santé pour avaler un tel pavé ! J’en reste coi et sans voix. Il eût fallu un avis bien plus enthousiaste pour me convaincre de me lancer dans ce grand voyage littéraire. Par contre, j’ai encore dans mes rayonnages GREEN RIVER et celui-là est au programme de cette année…Amitiés.

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