Craig Johnson – L’indien blanc

Henry Standing Bear « Ours debout », l’ami de toujours de Walt, est invité à faire une conférence à l’Académie des Beaux-Arts de Pennsylvanie, à Philadelphie, sur sa collection de photographies mennonites. Walt l’accompagne dans ce voyage, afin de rencontrer le petit ami de sa fille Cady, futur gendre potentiel.

A peine  arrivé à Philadelphie, on informe Walt que sa fille vient d’être victime d’une agression et se trouve dans le coma. Bien que hors de sa juridiction, Walt est bien décidé à trouver le coupable.
Le petit ami de Cady, et premier suspect, l’avocat Devon Conliffe, se retrouve rapidement balancé du haut d’un pont, péripétie à laquelle il ne survit pas. Walt, qui peu de temps auparavant a eu une explication « musclée » avec le jeune homme est rapidement soupçonné de lui avoir donné sa première (et dernière!) leçon de vol.

Au fil de son enquête, il va croiser un procureur véreux, des trafiquants de drogue. Il va aussi passer pas mal de temps à la recherche d’un « Indien blanc », au centre d’un dossier sur lequel travaillait Cady au titre de l’aide juridictionnelle. Dans cette ville, son étoile de Shérif ne lui est d’aucune utilité. Les membres du clan Moretti, le père détective,  Lena la mère,  troublante, et leur 5 rejetons dont 4 sont flics lui apporteront un soutien bienvenu…

Entre ses fréquents séjours au chevet de Cady, soutenu et relayé par Lena, Walt va essayer de démêler le sac d’embrouilles que représente cette histoire. Il va recevoir des petits mots à son adresse, lui livrant des indices et l’entraînant dans un jeu de piste dans les hauts-lieux de Philadelphie, « la ville de l’Amour fraternel ».

Pour cette troisième aventure en compagnie de Walt Longmire, j’ai eu l’impression de retrouver de vieux amis. Dans la jungle urbaine de Philadelphie, ils apportent à la semelle de leurs bottes l’atmosphère des Hautes Plaines, faite de légendes indiennes et de magie. Henry « Standing Bear », la Nation Cheyenne, comme le dénomme Walt, en est un vibrant exemple:

« Une légère panique s’empara de moi et je bougeai sur ma chaise, mais il tendit la main pour m’apaiser. C’est seulement lorsque l’image se fit plus précise et que j’entendis la mélodie complexe du chant cheyenne que je sus que c’était Henry.
Des chuchotements pareils à des versets s’échappaient de sa bouche, comme s’il était en transe, et peut-être étaient-ce les voix ailées des Anciens venues de si loin se poser sur la langue des vivants. Je contemplai son large dos aspirer tout l’air de la pièce et absorber le mal qui avait été fait à Cady. Il y eut un moment de parfaite immobilité, puis le chant reprit avec un tremblement plaintif et se termina dans un ultime soupir. »

Il est inutile de préciser que Walt n’est pas tout à fait à l’aise dans cet environnement urbain à rechercher les responsables de l’agression de Cady, d’autant qu’autour de lui les cadavres s’amoncellent de façon un peu voyante, et qu’il n’a pas les mains libres pour enquêter.

On retrouve ici un Walt plus sensible, « se débattant dans la culpabilité de ses émotions mal placées » quand, visitant l’appartement de sa fille Cady, il réalise qu’il n’y a  aucune photo de lui, jusqu’à ce que
« Je levai les yeux et la vague qui me submergea fut une déferlante d’émotions : ruisselante, profonde et très ancienne. Je restai là tandis que le flux redescendait, mais l’eau salée resta dans mes yeux et me brouilla la vue.
Le fond d’écran était une photo géante de moi, la tête contre celle de Cady, et il était évident, étant donné l’angle de la prise de vue, qu’elle avait pris la photo en tenant l’appareil à bout de bras. Nous souriions tous les deux et elle avait le nez collé dans mon oreille. »
La dimension onirique est très présente dans les romans de Craig Johnson, et celui-là ne fait pas exception à la règle, parsemé de passages d’une grande poésie.

« Nous ne bougions pas, nous étions soutenus par le vent, nos bras tendus vers les Big Horn Mountains. Je sentis les rafales qui manquaient d’emporter mon chapeau et je ris. L’homme-médecine rit avec moi, et je tournai la tête. Des larmes coulaient sur mes joues, entre mes paupières fermées où je voyais une image aplatie du vieil homme qui flottait à côté de moi. Dans le hurlement du vent, il me fallait crier pour me faire entendre, mais on s’y habitue quand on vit dans les Hautes Plaines. Il tourna la tête vers moi et je regardai les franges de son pantalon tourbillonner derrière lui dans le souffle du vent. »

En chipotant un peu, on pourrait reprocher à ce roman le manque de profondeur et de racines qui caractérisent les deux premiers, basés dans le Wyoming, mais l’auteur se débrouille, après les premiers chapitres,  pour apporter le souffle des Hautes Plaines jusqu’à la ville, allant jusqu’à nous dénicher un tipi traditionnel dans un hangar désaffecté.

Les personnages sont toujours très bien dessinés, et on les retrouve avec plaisir d’un roman à l’autre. L’auteur joue avec justesse dans la partition de l’humour et de l’émotion, en un parfait équilibre, pour notre plus grand bonheur. Walt, dans son rôle de dur, à la relation très compliquée avec les femmes, et plus vulnérable que jamais lorsqu’il s’agit de sa fille, n’en est que plus attachant.

Encore une très bonne lecture que ce roman. J’espère retrouver très rapidement Walt dans son comté  d’Absaroka.

Éditions Gallmeister, 2011.

4ème de couv:

Indien blancWalt Longmire est le shérif du comté d’Absaroka n’a pas pour habitude de s’éloigner de ses terres familières du Wyoming. Quand il décide d’accompagner son vieil ami Henry Standing Bear à Philadelphie, où vit sa fille Cady, il ne se doute pas que son séjour va prendre une tournure tragique. Agressée pour une raison inconnue, Cady se retrouve dans un profond coma, première victime d’une longue liste, et Walt doit se lancer sur la piste d’un vaste réseau des trafiquants de drogue. Commence alors une longue errance urbaine sous la surveillance d’un mystérieux Indien blanc.
Ce nouveau volet des aventures de Walt Longmire nous entraîne dans une course-poursuite haletante au coeur de la Cité de l’amour fraternel et confirme l’appartenance de ce shérif mélancolique à la famille des grands héros de roman policier.

L’auteur :

Craig JCraig Johnson, né le 1er février 1961 , est un écrivain américain, auteur de romans policiers, connu pour sa série de romans et de nouvelles consacrés au shérif Walt Longmire.
Avant d’être écrivain, il exerce différents métiers tels que policier à New York, professeur d’université, cow-boy, charpentier, pêcheur professionnel, ainsi que conducteur de camion et il a aussi ramassé des fraises. Tous ces métiers lui ont permis de financer ses déplacements à travers les États Unis, notamment dans les États de l’Ouest jusqu’à s’installer dans le Wyoming où il vit actuellement. Toutes ces expériences professionnelles lui ont servi d’inspiration pour écrire ses livres et donner ensuite une certaine crédibilité à ses personnages.

Déjà parus : Little bird (2009), Le camp des morts (2010)
(Source: Wikipedia)

22 réflexions sur “Craig Johnson – L’indien blanc

  1. le problème avec Craig Johnson, c’est que tu lis un de ces livres , ettu as envies d’avaler tous les autres à la suite ! Et le personnage est en plus très attachant ce qui n’arrange rien ! j’ai eu la chance d’assister à Toulouse à un très riche et très interessant débat entre Craig Johson et Franck Bouysse, c’était vraiment passionnant deux auteurs qui campent leur univers dans des lieux bien différents de nous parler de leur rapport à la nature.
    Belle chronique mon ami ! Encore une fois 😉

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    • J’ai commencé par lire Little bird, puis j’ai avalé la série télévisée tirée de ses romans, qui est très moyenne. Et je compte bien me faire les romans suivants, petit à petit. Et le débat dont tu parles, pour y avoir assisté à tes côtés, j’ai été vraiment emballé par le personnage derrière l’auteur. Et il sera à Lyon!!!

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  2. Belle chronique, mon ami Vincent. Là, tu vas m’obliger à lire plus tôt que prévu « Le camp des morts » pour ne pas accumuler de retard. Ceci dit, je lis que Pierre n’a même pas lu le premier de la série, incroyable, non ? Est-ce une impression ou as-tu regretté que l’intrigue se déroule à Philadelphie et non dans le Wyoming ? Amitiés.

    Aimé par 2 personnes

    • Ce n’est pas une impression. C’est un petit regret. Le souffle des romans de Craig Johnson convient mieux aux hautes plaines du Wyoming, même si le roman se déroule en ville, la multiplicité des lieux de l’action fait qu’on l’oublie rapidement. Il va nous falloir gronder très fort notre ami Pierre… 😉 Bien amicalement.

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    • Je n’en suis qu’au troisième, mais le quatrième est en ligne de mire et les autres suivront. Cet auteur, que j’ai eu la chance de rencontrer deux fois cette année, est un homme absolument charmant et très disponible pour ses lecteurs. Il est bon de le souligner.

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