Laurence Biberfeld – Écoute les cloches

La masse critique de Babelio me donne l’opportunité de découvrir l’écriture de Laurence Biberfeld. « Écoute les cloches » n’a rien à voir avec le dimanche de Pâques ou un quelconque appel à la messe. Les cloches, c’est le vocable sous lequel on désigne les clochards et les SDF, que l’on trouve de plus en plus nombreux dans les rues de nos grandes villes.

Gillian Von Stich, ancien mercenaire, à la tête d’un des services les plus discrets de l’Etat, organise, par l’entremise de clochards, de petits loubards et de petites frappes, organisés en groupes dénommés les ZUS, le désordre et les émeutes dans les rues de la capitale.
Son but est de réprimer durement ces émeutes et rétablir ainsi l’ordre républicain, pour influer sur le vote des citoyens aux prochaines élections.

«  – Ca ne marchera jamais, dit celui qu’il surnommait en son for intérieur le Gros-bouffi.
GVS sourit. Ce tas de gélatine faisait preuve d’un certain courage, motivé par une loyauté envers lui qui semblait indéfectible. Un bon élément, qui aurait été parfait s’il avait mieux surveillé son alimentation.
– Nous faisons ça tous les jours en Afrique, badine-t-il.
– En Afrique peut-être, mais pas ici, contredit le gros d’une voix mal assurée.
– En êtes-vous si sûr ? Souvenez-vous-en. Les Français sont des veaux disait le Général. La France est un pays de veaux. »

Pour financer les différentes cellules de cette organisation, Von Stich a prévu une enveloppe de neuf millions d’Euros, venant de fonds secrets. L’homme qui devait réceptionner les fonds, pris d’une soudaine envie d’indépendance, va subtiliser la valise de billets, et s’évanouir dans la nature. Suite à diverses péripéties, cet argent va bientôt se trouver entre les mains des cloches.
Nous suivons à travers ce roman les aventures de ces clochards et marginaux, dont l’application à semer le désordre avec une sorte de plaisir enfantin va bientôt dépasser les attentes des instigateurs du projet, et semer une indescriptible pagaille dans la capitale, une véritable révolte des miséreux dans des scènes qui nous évoquent la Commune de Paris.
Pour interpréter ce roman, Laurence Biberfeld nous gratifie d’une galerie pléthorique de personnages hauts en couleurs aux noms évocateurs, tels Bois-pourri, La Salpêtrière, Léon-la-science, La Marquise ou Cucu-paillettes.
Des histoires d’amour, de fric, de pouvoir, de haine et de vengeance sur fond d’une insurrection populaire.

Ça part dans tous les sens, c’est débridé dans l’action, le style et le langage, mais en gardant toujours en toile de fond du roman, la vulnérabilité des peuples à la manipulation politique.
Certains passages du roman comportent des descriptions béruréennes que n’aurait point désavouées le Frédéric Dard de la période San Antoniesque.

« Il y avait la queue de Léon, un monument de style nouille qui ne pouvait aller qu’au corps de Léon. Qui avait les nuances alcooliques de la trogne de Léon, une palette de mauves épidermiques. Le débit capricieux de la parole de Léon. Qui était hirsute jusqu’au col roulé, une particularité d’autant plus piquante que son propriétaire en concevait des complexes et la rasait méticuleusement. »
Tous ces personnages avec leur histoire, leurs qualités et leurs défauts, ont en commun une certaine humanité. Ils sont solidaires les uns des autres et ont le sens de l’entraide au sein de leur collectivité.

Située quelque part entre le thriller, le polar et le pamphlet social, c’est à une lecture un peu inhabituelle que m’a convié la Masse critique de Babelio, l’occasion d’un bon moment de lecture, hors des sentiers battus du polar traditionnel.

Éditions Au-delà du raisonnable, 2017


4ème de couv :

Les services très secrets de l’Etat fomentent des émeutes dans le but d’organiser l’occasion en or de les réprimer et de faire régner l’ordre, le vrai. Celui qui permettra au peuple d’aller voter calmement aux présidentielles toutes proches. Deux clodos qui s’aiment, cachés à l’arrière d’une Rolls vont gripper la machine répressive jusqu’au soulèvement populaire. Et on sentira l’esprit de Frédéric Dard planer sur cette fable de politique fiction débridée.


L’auteure :

Laurence Biberfeld est née en 1960 à Toulouse. Elle exerce pendant quelques années divers sous-métiers avant de passer son baccalauréat en candidate libre, puis le concours d’instit en 1980. Elle fait ce métier dix-huit ans, puis décide d’arrêter de gagner sa vie pour écrire (et dessiner) à plein temps.
Écoute les cloches est son douzième roman, le quatrième chez Au-delà du raisonnable. Laurence Biberfeld a été publiée à partir de 2002, notamment dans La Série Noire de Gallimard et chez Autrement.

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4 réflexions sur “Laurence Biberfeld – Écoute les cloches

  1. Rhooooo, j’adore cette auteure, ses précédents livres m’ont ravie.
    J’ai pas encore pris le temps de lire celui-ci mais je le ferai avec plaisir.
    Laurence Biberfeld est le chantre des opprimés et des laissés pour compte.
    Elle a la verve à la fois haute et poétique.
    Je comprends que cela est pu un peu te déstabiliser Mister Magic.
    Mais n’est pas Vincent qui le veut, et tu as su reconnaître le talent de l’auteur.
    Merci Monsieur pour ce billet ! 🙂

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