George Pelecanos – Red Fury

red-fury4ème de couv.

Washington D.C., 1972. Le jour où une jeune femme vient le voir pour lui demander de retrouver une bague à laquelle elle dit beaucoup tenir, Derek Strange, ancien flic devenu privé, se retrouve sur le terrain de chasse de Frank Vaughn, son ancien collègue resté policier. La bague a en effet été volée par un petit junkie abattu chez lui à bout portant.
Les deux hommes se retrouvent alors peu à peu à traquer une espèce de tueur fou, un certain «Red Fury» Jones, ainsi nommé en raison de son look et du modèle de décapotable rouge que conduit sa compagne, une tenancière de bordel. Vite confrontés à une escalade de violence à laquelle ils ne s’attendaient pas, Strange et Vaughn comprennent qu’il va leur falloir agir à leur façon s’ils veulent avoir une chance de capturer le couple infernal…

Ce que j’en pense:

«Chaque fois que je lis un roman de George Pelecanos, je reste un rien intimidé, un rien envieux, et totalement certain d’avoir vécu le mariage parfait entre art et vérité. Ce mec est un trésor national.»
Cette citation de Dennis Lehane résume parfaitement tout le bien que je pense des romans de George Pelecanos, et ce Red Fury ne fait pas exception à la règle.
Dès sa parution, je me suis empressé de l’acheter et de le lire toutes affaires cessantes, ce qui n’aura pas été sans quelques grincements de dents du côté d’un certain nombre d’ouvrages qui peuplent ma PàL, qui attendent patiemment leur tour.

Introduction : Derek Strange et son nouvel associé Nick Stefanos, détectives privés prennent un verre dans un bar, lorsqu’une chanson des années 70 qui passe au juke-box amène Strange à évoquer une histoire qui s’est passée à cette époque.
C’est l’histoire de Robert Lee Jones, surnommé Red Fury Jones, criminel notoire et ultra violent. Avec sa compagne Coco, tenancière de bordel, ils forment une sorte de Bonnie and Clyde noirs américains.
« C’était une Plymouth Fury, version GT Sport, un coupé deux portes à phares escamotables, propulsée par un V8 de 7,2 litres et un carbu à quatre corps. Elle était bicolore, rouge sur blanc, et les plaques minéralogiques personnalisées disaient : »Coco. »…
Le lustre de la carrosserie et les plaques personnalisées rendaient facile l’identification du véhicule partout en ville, mais Robert Lee Jones s’en fichait. L’important pour lui, c’était qu’on se souvienne de lui et que ce qu’il faisait soit fait avec classe. »
Pour ce personnage l’auteur s’est  inspiré de la vie de Raymond « Cadillac » Smith.

Strange est engagé pour retrouver une bague volée, ce qui le met sur la piste de Red Fury Jones, alors que l’inspecteur Frank Vaugh, son ex-coéquipier recherche ce même Jones pour meurtre. C’est l’occasion pour nous de retrouver Strange à ses débuts de détective privé, après qu’il ait quitté la police.

Comme dans tous les romans de Pelecanos, « Red Fury » nous propose un tableau saisissant de ce qu’était la vie dans le Washington DC du milieu des années 1970. Il fait évoluer ses personnages dans les quartiers de Washington ou vivent des gens ordinaires, noirs et blancs, dans un environnement dominé par la pauvreté, la drogue et la violence. Le  roman traite bien sûr du crime, mais en fin de compte c’est davantage une réflexion sur le bien et le mal.

Le Mc Guffin(1) de l’histoire, cette bague que Strange a été engagé pour retrouver, est présente tout au long du livre, et elle change de mains plusieurs fois. Elle n’a en définitive pas trop d’importance, elle sert en fait de fil conducteur et de lien entre les différents évènements La seule histoire qui importe est celle de Strange, Vaughn et Red Fury, qui désire avant tout que l’on se souvienne de son nom.

Le style de Pelecanos est fluide, les dialogues vifs et l’histoire menée à un bon rythme, avec des rebondissements à chaque chapitre. Outre quelques références à l’histoire(Watergate), c’est le temps des pantalons pattes d’éléphants, des chemises voyantes et des coupes afro. Les références automobiles sont nombreuses et participent pleinement au côté « vintage » de ce roman (lecteurs 8 pistes en série!). Les cinéphiles se souviendront que la Plymouth Fury est l’héroïne du film « Christine », de John Carpenter.
La bande-son, entre soul et funk, bien dans le tempo des années 70, est en particulier d’une grande richesse, avec des morceaux marquants de cette époque dont je vous propose quelques extraits :

« No name Bar », tiré de la B.O du film Shaft
https://www.youtube.com/watch?v=Vk6c9r4Zb0w
« If loving you is wrong » de Luther Ingram
https://www.youtube.com/watch?v=FvJj7SN9EWI
ou bien « Where is the love » de Roberta Flack et Donny Hathaway
https://www.youtube.com/watch?v=6Sl-MHhEJxI

J’ai aimé ce roman qui dégage un agréable parfum de nostalgie. On a l’impression de retrouver des amis longtemps perdus de vue. Les connaisseurs de l’œuvre de Pelecanos apprécieront les clins d’œil et références à d’autres bouquins, notamment la présence de Nick Stefanos, alors jeune adolescent magasinier au magasin de disques et radios Nutty Nathan, et Johnny Mc Guiness le vendeur, et dans le chapitre final la référence à l’avocate Elaine Clay que l’on retrouve dans « Funky guns ».

(1)Mc Guffin : Un McGuffin est un néologisme hitchcockien. C’est un objet qui ne sert qu’à faire agir l’acteur : la recherche de documents, un verre de lait, tout ce qui fait bouger, réagir, vivre le personnage et qui n’a aucune autre utilité que d’accroître le suspens (éventuellement).
Il déclare à Truffaut : « C’est extrêmement important pour les personnages du film, mais sans aucune importance pour moi, le narrateur. »
Le McGuffin ne veut rien dire, ne représente rien. Le nom même est créé pour faire parler les bavards, et imaginer les plus folles théories. Il a une consonance écossaise, et pourrait être n’importe quoi, tant que c’est absurde.
(Source :www.ecrannoir.fr)

Éditions Calmann-Lévy, 2015

Pour aller plus loin, la playlist complète ici:
http://www.hachettebookgroup.com/features/georgepelecanos/music/whatitwas.html


L’auteur :

George_PelecanosD’origine grecque, George Pelecanos naît et grandit dans un quartier ouvrier (avec une forte population noire) où son père tenait un snack-bar. À l’âge de 17 ans, il blesse un ami avec une arme à feu et manque de le tuer.

Après des études de cinéma à l’université du Maryland, achevées en 1980, il exerce divers petits boulots. En 1981, il crée Circle Films, une société de distribution de films, et commence à écrire la nuit. Dans les films qu’il distribue à cette époque, on trouve aussi bien The Killer de John Woo, que 36 Fillette de Catherine Breillat et Blood Simple de Joel et Ethan Coen.

Il amorce une carrière de romancier en 1992 par l’écriture de romans dont le personnage principal est Nick Stefanos, un Grec de Washington qui travaille parfois comme détective privé. Liquidations, Nick la galèreAnacostia River Blues, pour former, selon Claude Mesplède, une trilogie « de qualité où l’auteur  soigne particulièrement la psychologie et la profondeur humaine de ses principaux personnages.

Après un thriller sans héros récurrent intitulé Le Chien qui vendait des chaussures (Shoedog, 1994), Pelecanos adopte un style renouvelé et parvient à élargir le spectre de sa fiction avec la série du « D.C. Quartet », souvent comparé au L.A. Quartet de James Ellroy, parce que les récits entremêlent sur plusieurs décennies des personnages issus de diverses communautés évoluant dans un Washington en pleine mutation : Un nommé Peter Karras, King Suckerman, Suave comme l’éternité et Funky Guns .

En 2001, une nouvelle équipe de détectives privés, Derek Strange et Terry Quinn, voit le jour dans Blanc comme neige, suivi de Tout se paye et Soul Circus.

(Source : Wikipédia)

George Pelecanos – Le double portrait

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Pour Spero Lucas, récupérer la toile qu’un ex-petit ami peu scrupuleux a volée à Grace Kincaid ne semble pas présenter de difficultés majeures: remettre la main sur ce qui a disparu en toute discrétion, c’est sa spécialité. Moyennant, bien sûr, une jolie commission de quarante pour cent.

Seulement… Grace Kinkaid lui demande aussi de retrouver l’homme qui l’a ainsi humiliée, un criminel violent à la tête d’un petit groupe de nervis lui obéissant au doigt et à l’œil.

Difficulté supplémentaire, Spero a beaucoup de mal, malgré ses efforts, à résister à la passion amoureuse qui l’emporte dès qu’il fait la connaissance d’Amanda, une splendide femme mariée.

Pour un ancien combattant de la guerre d’Irak, qui aime tout prévoir et a l’habitude que rien ne lui résiste, ce détail s’avère difficile à gérer. Surtout lorsqu’il révèle en lui une fragilité intérieure dont il se passerait volontiers….

Ce que j’en pense:

Je suis un fan absolu de Pelecanos et attends toujours avec beaucoup d’envie la sortie d’un nouveau roman, autant dire que j’étais plus qu’impatient de retrouver l’ex-marine Spero Lucas, devenu détective privé.

Hélas, ce roman n’a pas entièrement répondu à mon attente. J’ai trouvé l’intrigue plutôt molle, la première mission dont est chargé Spero Lucas est solutionnée assez rapidement. L’affaire du tableau volé donne plus de fil à retordre à notre héros.

Mais que dire de l’introduction de Charlotte Rivers dans l’histoire, qui « convoque » Lucas uniquement pour des séances de sexe ? Je ne vois pas son utilité dans l’intrigue, à part de nous faire mettre le doigt sur la fragilité sentimentale de Spero, homme à femmes performant s’il en est, et de nous pimenter le récit de scènes de sexe très explicites.

Les références au père disparu et à la cellule familiale sont également très présentes , Eleni la mère et Léo le frère, lui aussi adopté comme Spero, qui servent de catalyseur et de point de repère, pour le maintenir dans une certaine stabilité, et lui permettent de ne pas se perdre tout à fait.

Pelecanos m’a semblé aussi céder à la mode du placement produit, à décrire par le menu la manière de s’habiller et de consommer de Spero, ce qui tend un peu à diluer le récit. Spero, qui est toujours un peu isolé et en marge du système, et ne compte que sur ses anciens et très dévoués compagnons d’armes Winston Dupree et Marquis Rollins pour lui venir en aide.

A côté de cela, il y a le style impeccable et la patte Pelecanos, ses descriptions de Washington « la ville chocolat », loin des allées du pouvoir, ses références littéraires et musicales qui émaillent le récit. Et dès que l’on se recentre sur l’intrigue proprement dite, une violence brute, décrite d’une manière très visuelle, presque cinématographique.

En conclusion, ce livre fut pour moi d’une lecture agréable, mais sans plus. Je n’y ai pas retrouvé l’épaisseur de ses précédents romans, à laquelle je m’étais habitué. Étant un incorrigible optimiste, j’espère mieux du prochain.
Monsieur Pelecanos, vous êtes prévenu.

George Pelecanos – Un nommé Peter Karras

Peter KarrasA tout seigneur, tout honneur. Je vous livre ici la chronique que j’avais faite de ce roman, dont mon blog porte le nom.

4ème de couv.

Peter le Grec et Joe le Rital ont grandi ensemble dans le Washington D.C. miteux des années 1930. Pour ces gosses d’immigrés, c’était la truande ou la misère.
Si Joe compte bien devenir un caïd dans le milieu du crime organisé, Peter, après un passage à tabac, décide se ranger.

Mais depuis qu’un cinglé s’amuse à découper des prostituées, les règles du jeu ont changé : il s’agit de sauver sa peau…

Ce que j’en pense:

Pour moi qui suis un fan absolu de George Pelecanos, ce roman est pour moi la pierre angulaire de son œuvre.Il se déroule parmi le milieu pauvre des immigrants, centré particulièrement autour de la communauté grecque de Washington DC. C’est également une peinture de la société de Washington DC, pendant la Grande dépression et l’immédiat après-guerre, au travers de l’histoire de plusieurs communautés qui se côtoient sans se fréquenter.

Peter Karras, de retour de la guerre, tiraillé entre deux chemins de vie, celui plus facile, de la pègre, qui semble être la voie tracée pour lui, ou la possibilité d’une vie rangée et normale. Contrairement à Joe Recevo « l’italos », Peter choisira la voie de l’honnêteté et devra en payer le prix. Le serial killer de prostituées n’a qu’un intérêt secondaire dans l’histoire. Il sert de liant et de fil conducteur aux destins de tous les protagonistes.

L’histoire est riche, dense et foisonnante de mille petits détails de la vie quotidienne de l’époque. Les personnages tous très bien dessinés, et la peinture que fait Pelecanos de cette ville de Washington, la place comme un personnage à part entière du roman. A cette nouvelle lecture, j’ai eu l’impression de retrouver des amis perdus de vue depuis longtemps, mais toujours présents dans un petit recoin de ma mémoire.

S’il en reste encore parmi vous certains qui ne connaissent pas George Pelecanos, lisez ce bouquin, vous serez conquis j’en suis sûr.

L’AUTEUR:

George_PelecanosD’origine grecque, George Pelecanos naît et grandit dans un quartier ouvrier (avec une forte population noire) où son père tenait un snack-bar. À l’âge de 17 ans, il blesse un ami avec une arme à feu et manque de le tuer.

Après des études de cinéma à l’université du Maryland, achevées en 1980, il exerce divers petits boulots. En 1981, il crée Circle Films, une société de distribution de films, et commence à écrire la nuit.

Il amorce une carrière de romancier en 1992 par l’écriture de romans à la première personne dont le personnage principal est Nick Stefanos, un Grec de Washington qui travaille parfois comme détective privé. Ainsi naît Liquidations (A Firing Offense),qui formera le premier volume d’une trilogie, selon Claude Mesplède, « de qualité où Pelecanos soigne particulièrement la psychologie et la profondeur humaine de ses principaux personnages (notamment celui de Nick avec ses tendances autodestructrices). »

Viendra ensuite la série du « D.C. Quartet », dont le premier titre de la série, Un nommé Peter Karras (The Big Blowdown, 1996) raconte, par le truchement de Peter Karras, un ancien GI, les rackets dans les quartiers pauvres de la capitale américaine pendant les années 1950.

En 2001, une nouvelle équipe de détectives privés, Derek Strange et Terry Quinn, voit le jour dans Blanc comme neige, suivi de Tout se paye et Soul Circus.

Pelecanos a également travaillé à l’écriture et la production de la série télévisée américaine Sur écoute (The Wire) pour laquelle il est nommé pour un Emmy Awards et remporte un Edgar. Il est aussi le scénariste de Treme produit par HBO, qui raconte les aventures de plusieurs musiciens à la Nouvelle-Orléans après le passage de l’ouragan Katrina, et également scénariste de « Band of brothers », série nommée pour les Emmy Awards

Depuis 2006, Pelecanos vit dans une banlieue aisée de Washington, à Silver Spring avec sa femme et ses trois enfants.

(Source: Wikipedia)