Mallock – Les larmes de Pancrace

4ème tome des « Chroniques barbares » :
Dans la France du Moyen-âge, résonnent les premiers échos des combats d’une guerre qui va durer cent ans. Dans son domaine du Bordelais, le vicomte Pancrace d’Armuth ne se soucie que de son château en cours de construction, de ses terres, et du grand cru qu’il rêve de  produire.
« Le vicomte Pancrace d’Armuth avait des rêves, de grands rêves de réussite et de fortune. Comment aurait-il pu deviner, aujourd’hui, ce 16 octobre de l’an 1323, alors même que le soleil couchant lui murmurait force promesses alchimiques, que son ambition allait entraîner le château et tous ses futurs occupants dans une tragédie aux échos infinis ? »
A la même époque un chevalier templier, Gil Gaelian du Gar, arrive dans ce château. Il possède quelque chose qui attise la convoitise de Pancrace, et cette convoitise le mènera au meurtre.
« La pâle lumière d’hiver, en touchant les pierres, embrasa toute la pièce. Gil Gælian du Gar rendit son dernier soupir dans cet étrange flamboiement, plus de trente ans après que Jacques de Molay eut été brûlé dans un même rouge sacrificiel, à l’extrémité de l’île aux Juifs. »    

Ses derniers mots, en forme de malédiction,  trouveront une résonance dans deux autres meurtres, sept siècles plus tard.
« Sept siècles passés, sept hommes occis, mon cœur enfin vengé sera votre descendance assassinée »…

De nos jours, en ce mois de Juillet caniculaire, Jean de Renom, propriétaire du Château « Cœur-Corneilles »,  grand cru du Bordelais, rentre chez lui, après une absence de quelques jours, tout heureux de retrouver sa femme Camille et leur enfant. Sur les escaliers de l’entrée, une femme l’abat de deux coups de feu en plein visage.
A Bordeaux, l’affaire est confiée au Commissaire Gilles Guédrout, dont Mallock fut le mentor. Gilles, ami d’enfance de Jean de Renom, craint de n’être pas très objectif pour enquêter sur ce meurtre. Il demande donc à Mallock de venir lui apporter son concours.
Tous les indices tendent à désigner Camille Corneille de Renom, son épouse, comme la coupable. Elle proteste de son innocence, mais l’accumulation de preuves accablantes conduit à son arrestation.

Ses premières investigations amènent  Mallock à déloger quelques cadavres de leur placard et découvrir qu’il y a eu par le passé  d’autres morts douteuses au sein de la famille, dont Henri Corneille, père de Camille.

Au fil de l’enquête, une autre suspecte se dégage : madame la députée Sophie Corneille, mère de Camille. Véritable animal politique, dévorée d’ambition, on dit d’elle qu’elle viserait les plus hautes fonctions. Les  deux policiers, et le juge d’instruction Balestra vont devoir agir avec une extrême prudence.
Pour toi, on n’exagère pas un tantinet quand on parle de la « malédiction des Corneille » ?
— Franchement ? Pas vraiment, si tu regardes l’arbre généalogique. À partir de l’arrivée des Corneille, ça ressemble un peu beaucoup à une hécatombe.
Avec ces trois meurtres, commis à sept siècles d’écart, Mallock nous tricote une histoire dont les différentes trames se combinent à merveille, pour nous emberlificoter dans les rets d’une intrigue retorse et vraiment pleine d’inventivité.

Les personnages de ce roman sont d’une psychologie très marquée : Amédée, bien sûr, ours débonnaire, adepte de substances opiacées pour « faire taire ses inhibitions et libérer ses intuitions ».
Camille et Sophie, les deux figures féminines de ce roman, la mère et la fille, sont aussi différentes que le feu et la glace. J’ai une tendresse toute particulière pour Félicien, le maître des vignes, et pour le Chevalier Charles d’Assas.

A la fois roman à énigme, dans la veine des grands auteurs de la fin du XIXème siècle, qui revisite avec bonheur le mystère de la chambre close, ce roman est aussi une admirable chanson de geste médiévale.

L’écriture est absolument impeccable, d’une grande richesse, et d’une grande poésie.
« la légèreté carmin orangé du clairet et la puissance dramatique d’un rouge bien plus sombre, sang-de-pigeon, rappelant les laques chinoises et les grands crus issus du morillon. »
Mallock est un amoureux de la syntaxe, de la langue et des mots, qui m’a obligé à consulter le dictionnaire à plusieurs reprises.
C’est également un roman d’une grande  érudition, porté par un constant souci du détail, dans les domaines aussi différents que l’Histoire, la culture de la vigne ou les procédés de vinification. A propos de détail, je dois avouer que je me suis laissé berner par un certain procédé d’écriture qui avait toutes les apparences de l’authenticité.

Avec la malédiction dont il est question, on pourrait  croire un moment avoir affaire à un roman ésotérique. Il n’en est rien. Tout, absolument tout, trouve une explication scientifique et logique, même le porte-avions en verre aperçu en rêve, et tous les éléments du puzzle finissent par s’emboîter à la perfection.

En conclusion, je ne peux vous dire qu’une chose : c’est un sacré bon roman, excellent même, d’une grande qualité littéraire, en plus d’une intrigue très travaillée. Alors, si vous ne l’avez pas encore lu, foncez ! Vous m’en direz des nouvelles…

ÉditionsFleuve noir, 2014

4ème de couv :

pancraceJean de Renom, propriétaire d’un grand cru classé est sauvagement assassiné dans son château du Bordelais. A la stupéfaction générale, son épouse, la douce et aimante Camille, est accusée puis incarcérée.
Le scandale est d’autant plus retentissant que cette dernière n’est autre que la fille de Sophie Corneille, candidate favorite à la prochaine élection présidentielle.
Au-delà des conflits d’intérêts et des luttes de pouvoir, le fameux commissaire Mallock découvre que d’autres drames entachent l’histoire de cette famille. Plus il creuse, plus les énigmes et les crimes remontent à la surface. Noyades, empoisonnement, meurtres, les racines du mal sont bien plus profondes qu’il n’aurait pu l’imaginer. Depuis sept siècles, depuis qu’un certain Pancrace a fait couler le sang, que la peste a ravagé la région, une malédiction semble avoir envahi le château et ses occupants…

L’auteur :

J.-D. Bruet-Ferreol, qui se cache sous le pseudonyme de Mallock (nom de famille du commissaire de sa série de thrillers littéraires) est peintre, photographe, designer, inventeur, directeur artistique, compositeur et, bien entendu et avant tout, écrivain.
Depuis 2000, il ne se consacre plus qu’à sa carrière de peintre numérique au travers d’expos et d’éditions de livres d’art, et à celle d’écrivain, notamment de romans policiers :

Les visages de Dieu (2010)
Le massacre des innocents (2010)
Le cimetière des hirondelles (2013)
Les larmes de Pancrace (2014)
Vient de paraître :
Le principe de parcimonie (2016)

Mallock – Les visages de Dieu

10353641_880674595281793_1056238601547201216_n4ème de couv.

Le désespoir et la mort constituent son quotidien. Pour le commissaire Mallock, les hommes sont abandonnés de Dieu. Et ce ne sont pas les visions qui l’habitent qui vont l’en dissuader. Ni cette cruelle affaire du Maquilleur, qu’il semble être le seul à pouvoir élucider.

Les cadavres – œuvres d’art monstrueuses – que sème aux quatre coins de Paris ce tueur en série hors norme seraient-ils des reproductions corrompues d’images pieuses ? Pense-t-il, à travers ces mises en scènes macabres, parcourir son chemin de croix vers la rédemption ?

Comme si le Diable cherchait son Salut. Comme si, derrière l’horreur, se cachait le visage de Dieu…

Ce que j’en pense:

Après « Le cimetière des hirondelles » où j’avais fait la connaissance du commissaire Mallock, j’avais envie de le connaître un peu mieux. Je me suis donc plongé dans ce premier opus des « Chroniques barbares », si justement nommées.

En plein milieu des fêtes de fin d’année, le commissaire Mallock est appelé sur les lieux d’un crime particulièrement atroce et à la mise en scène très travaillée. Ce crime fait suite à 6 autres crimes semblables, sur lesquels la direction de la police a imposé un black out total. Mallock se voit donc confier cette enquête, qui était au point mort malgré l’implication totale de son collègue. Il hérite donc de ce « bâton merdeux » (du pur Mallock dans le texte), et va bien vite mettre sur le coup l’équipe « du fort ». Les scènes de crime ont toutes une forte symbolique mystique et religieuse.

Selon sa méthode habituelle, faite d’un mélange de rigueur et d’intuitions, de visions que lui procurent ses rêves, causés par la prise de substances interdites, telles l’opium et le LSD, il progresse sur la voie de la vérité. L’intrigue est particulièrement bien construite, et le suspense habilement maintenu sur l’identité du ou des tueurs.

Le personnage du commissaire est particulièrement attachant : c’est un homme blessé qui se remet difficilement de la mort de son fils. C’est un ours, autoritaire, dictatorial dans le travail, mais à côté de cela, plein d’attentions pour les membres de son équipe qui lui vouent une véritable vénération. Les descriptions de scènes de crime sont particulièrement dures, avec un luxe de détails dans l’horreur, mais pas dans le but de choquer. Ces scènes dégagent curieusement une sorte d’esthétisme et exercent sur le commissaire, et le lecteur, une sorte de fascination.

Et, ce qui ne gâche rien, une très belle écriture, le sens de la formule et la capacité de Mallock à nous conduire dans des univers toujours plus étonnants.

Un sacré bon thriller.