4ème de couv.
Le printemps dans le Grand Nord, une lumière qui obsède, une ombre qui ne vous lâche plus. À Hammerfest, petite ville de l’extrême nord de la Laponie, au bord de la mer de Barents, le futur Dubai de l’Arctique, tout serait parfait s’il n’y avait pas quelques éleveurs de rennes et la transhumance… Là, autour du détroit du Loup, des drames se nouent. Alors que des rennes traversent le détroit à la nage, un incident coûte la vie à un jeune éleveur. Peu après, le maire de Hammerfest est retrouvé mort près d’un rocher sacré. Et les morts étranges se succèdent.
En ville les héros sont les plongeurs de l’industrie pétrolière, trompe-la-mort et flambeurs, en particulier le jeune Nils Sormi, d’origine sami.
Klemet et Nina mènent l’enquête pour la police des rennes. Mais pour Nina une autre quête se joue, plus intime, plus dramatique. Elle l’entraîne à la recherche de ce père disparu dans son enfance. Une histoire sombre va émerger, dévoilant les contours d’une vengeance tissée au nom d’un code d’honneur implacable.
Ce que j’en pense:
Après le dernier Lapon, qui voyait le retour du soleil après la longue nuit polaire, ce nouveau roman est lui baigné de lumière dans une saison où la Laponie compte plus de 22 heures d’ensoleillement par jour, quand les ombres s’étirent indéfiniment, et que les courtes nuits laissent peu de place au sommeil et au repos.
« Tout près de lui, quelque cinq cents rennes s’entassaient sur les galets de la berge, broutant ce qu’ils pouvaient, cherchant des algues gavées de sel, relevant parfois nerveusement la tête vers la berge opposée, sur l’île de Kvaløya. Depuis la grande île qui était leur destination finale, le vent du nord de la mer de Barents leur apportait des effluves d’herbe. Ce n’était pas encore l’herbe grasse de juin. Mais, pour ce troupeau-ci, un appel irrésistible après six mois d’un régime sec constitué de lichen enfoui sous la neige. Les bêtes étaient nerveuses, impatientes. Trop impatientes. Les femelles ne mettaient bas qu’une fois de l’autre côté. Cela ferait encore des tensions avec la ville, comme chaque année. Mais les rennes de tête savaient ce qui les attendait de l’autre côté. »
Lors de la transhumance des rennes, au passage du détroit du loup, le troupeau de rennes, affolé par on se sait quoi, commence à se désorganiser et tourner en rond créant un tourbillon fatal qui va coûter la vie à Erik Steggo, jeune éleveur sami.
Le policier Klemet Nango et sa jeune coéquipière Nina Nansen vont être chargés de faire la lumière sur cet accident inexplicable, et l’enquête se complique lorsque le maire d’Hammersfest est retrouvé mort, au pied de ce rocher qui garde le détroit.
A travers les tensions entre éleveurs, magouilles politiques pour l’attribution de terrains et l’expansion toujours plus grande des compagnies pétrolières qui, pour accroître leur territoire de recherches, grignotent peu à peu les terres pâturables des rennes qui sont le patrimoine des éleveurs sami. Non seulement, elles s’étendent sur les terres, mais également en mer avec les recherches sur le plateau continental.
Ces mêmes compagnies qui emploient des plongeurs en eau profonde, leur imposant les conditions de travail les plus difficiles, au détriment de leur sécurité, entraînant par là-même quelques dramatiques accidents de décompression.
« Il était l’homme de la situation. Un mec qui aimait prendre des risques, qui n’avait pas froid aux yeux, toujours prêt à faire ce petit quelque chose en plus qui le sortait du lot. Bien sûr, dans son métier, ce petit quelque chose en plus pouvait signifier la mort. Mais Nils n’était pas un idiot. Et son binôme valait toutes les assurances. Pour Tom Paulsen, la sécurité passait avant tout, client ou pas, quel que soit le coût. Même les clients, la plupart en tout cas, le respectaient pour ça. Si Nils Sormi avait le petit quelque chose en plus, Tom Paulsen avait le petit quelque chose en moins, ce que d’autres appelaient le principe de précaution. Une combinaison qui les rendait imbattables.«
Ce récit est peuplé d’une nombreuse galerie de personnages, tous très bien dessinés, parmi lesquels : Klemet, toujours en porte à faux entre deux cultures, Nils Sormi, le jeune plongeur d’origine sami, hâbleur et fort en gueule, son binôme Tom Paulsen plus posé, Anneli la jeune veuve d’Eric Steggo dont le courage et la détermination à poursuivre les rêves de son mari forcent l’admiration.
« Et tu dois savoir que ces terrains ne nous appartiennent pas. Nous n’avons fait qu’y laisser les traces de nos pas, aussi légères et fugaces qu’il nous était possible, depuis des milliers d’années, pour que cette terre continue à nous nourrir. »
Au cours de ce roman, l’enquête va mettre au jour la piste d’anciens plongeurs, et Nina la coéquipière de Klemet va prendre une toute autre dimension, à travers son histoire personnelle à la recherche de son père, ancien plongeur lui-même: Todd Nansen, qui apporte une note particulièrement émouvante à cette histoire.
Disséminées dans le roman, en début de chapitre, se trouvent des lettres adressées à Midday, lettres désespérées, en forme d’ appel au secours, mais de qui ?
J’avais vu dans un documentaire télévisé cette traversée d’un détroit par un immense troupeau de rennes, que j’ai retrouvée dans le premier chapitre de ce roman, avec toute la beauté du grand nord, sous cette luminosité permanente, obsédante. L’auteur nous dépeint de manière admirable les paysages et les êtres de ce pays, les éleveurs sami, condamnés à s’adapter ou à disparaître, confrontés aux problèmes que pose la recherche pétrolière, et ses conséquences sur l’environnement et les hommes.
Le thème de la recherche pétrolière et gazière est abordé de façon très fouillée, depuis les compromissions qui s’imposent aux élus locaux, jusqu’aux risques extrêmes où sont conduits les plongeurs, poussés par les pétroliers, et rejetés ensuite en cas de problème.
En revanche, l’enquête est un peu plus tarabiscotée et part dans plusieurs directions dont on a bien du mal à comprendre comment elles vont se rejoindre.
Je referme ce roman avec une pointe de regret, un peu de déception. « Le dernier Lapon » m’avait emballé, et même si d’un roman à l’autre, le style est toujours impeccable, l’écriture très maîtrisée, et si l’auteur n’a rien perdu de sa qualité de conteur, il m’a manqué quelque chose d’indéfinissable, un je ne sais quoi qui aurait fait que je sois encore une fois tout à fait conquis…
Editions Métailié Noir, 2014
L’auteur :
Journaliste depuis 1986, il vit à Stockholm depuis 1994 où il est le correspondant du Monde et du Point, après avoir travaillé à Libération. Spécialiste des pays nordiques et baltes, il est aussi documentariste pour la télévision. Il est l’auteur de la biographie d’un rescapé français du goulag, L’Imposteur (Calmann-Lévy).
Publie en 2012 « Le dernier Lapon », Prix des lecteurs du Quai du Polar 2013.