Gilles Vincent – Ce pays qu’on assassine

Alors qu’il circule à moto, Tarek Bsarani, riche homme d’affaires franco-syrien, est abattu de trois balles en pleine tête. Il était depuis peu le directeur de campagne de Manon Péan, jeune députée du Vaucluse et étoile montante de Parti National de France, surnommée « la nièce » ou « la petite-fille ».
L’affaire échoit à la Commissaire Aïcha Sadia, héroïne récurrente de Gilles Vincent. Policière expérimentée, ayant la confiance de sa hiérarchie, elle gère son groupe d’une main efficace, un peu comme une famille. Son amant  Sébastien Touraine, détective privé, participe régulièrement aux enquêtes de leur groupe, et leur apporte une aide précieuse.
Au Nord du pays, près de Calais, on retrouve à demi enterrés dans la boue, les corps de deux jeunes filles. Betiel et Yohanna Seyoum, migrantes Érythréennes de 12 et 19 ans, victimes d’un viol collectif, et littéralement massacrées.
En charge de ce dossier, le Lieutenant Carole Vermeer n’a pas la tâche facile. En butte à l’hostilité ou au mieux, l’indifférence de sa hiérarchie et de son équipe, elle n’est pas dans les meilleures dispositions pour enquêter dans la sérénité. C’est une jeune femme fragile « une blessure ambulante », qui traîne le fardeau de l’absence d’un jeune frère disparu trop tôt, et d’une enfance passée en famille d’accueil.

« Derrière elle, les mains posées contre les yeux, le petit Jason, son bermuda en jean, son tee-shirt rouge, ses petites tennis scratchées ; Derrière elle, la voix du gamin qui compte jusqu’à vingt. Qui hurle les derniers chiffres parce qu’il n’a même pas peur. Presque pas.
Elle s’est accroupie derrière un buisson. Elle a fermé les yeux. S’est laissée envahir par les senteurs du sous-bois, a perçu le clapotis du lac contre la berge d’herbes folles. Elle a entendu nettement Jason crier l’ultime nombre. Alors, elle a guetté le froissement des feuilles sous ses pas. A attendu qu’il vienne… »


Entre Nord et Sud, nous suivons en parallèle les enquêtes d’Aicha et de Carole, toutes deux soumises aux mêmes pressions, de leurs supérieurs, et des responsables politiques du secteur.
Entre trafics divers, magouilles politiques, corruption, clientélisme, manipulations, Aïcha, Carole et leurs équipes marchent sur des œufs. Les élections régionales approchent et il faut ménager toutes les susceptibilités, éviter toute erreur qui pourrait avoir une influence sur le scrutin à venir.

Cette région du Nord-Pas de Calais, était, il n’y a guère, terre d’élection d’un communisme et d’un socialisme ouvriers et militants. L’impéritie des différents gouvernements qui se sont succédé, de gauche comme de droite, ont livré cette population déboussolée et désespérée au féroce appétit d’une droite extrême.
Le même constat vaut pour la région marseillaise. Les populations immigrées, parquées dans les tours de banlieue des quartiers nord sont un terreau fertile pour les extrémistes de tout bord, qu’ils soient fondamentalistes islamiques ou bien de l’extrême droite représentée par le Parti National Français.

Deux beaux portraits de femmes, l’expérimentée et fougueuse Aïcha et  la fragile Carole. Bloquée dans son enquête, humiliée et impuissante face aux mafieux, aux politiques ou les deux ensemble, cette dernière ne verra d’autre issue que de quitter la scène.
« Devant ses yeux défilent les posters de la chambre de Carole : Mike Brant, Nino Ferrer, Marilyn, et puis les œuvres complètes d’Hemingway, de Virginia Woolf et de Stefan Zweig.
Et ça lui vient d’un coup. Ces chanteurs, ces acteurs, ces écrivains, tous ils se sont donné la mort. Sans exception.
Autour du lit de Carole Vermeer, des compagnons de solitude. »

Caroe se suicide avec son arme de service et laisse un carnet à l’intention de son supérieur, le commissaire Kaminski. Pendant qu’elle est dans le coma, il lui en fait la lecture. Ainsi, en remontant le fil de l’enquête qu’a conduit Carole, il prend la mesure de tous leurs manquements à son égard. Elle lui apparaît alors sous un jour bien différent de ce qu’il avait imaginé, et nous lecteurs, saisissons mieux toute la détresse qui habitait cette jeune femme.

Que l’on ne s’y trompe pas, au travers de Manon et Maryse Péan, l’auteur brosse le portrait de deux femmes bien connues dans notre paysage politique pour leurs positions extrêmes. « Toute ressemblance avec un personnage existant ou ayant existé est purement volontaire. Le reste n’est que fiction. »

Les deux enquêtes policières nous laissent sur des impressions, des quasi-certitudes, mais rien de définitif. Mais là n’est pas le plus important. L’auteur dresse ici un état des lieux de notre pays, gangrené par la voyoucratie de nos élites, le clientélisme et la corruption.
Il n’est qu’à voir les dernières affaires à la une des médias, de Bygmalion, aux écoutes de l’Élysée, aux emplois fictifs pour la famille et les amis. Ce polar de Gilles Vincent est noir, très noir même. Il ne laisse que peu d’espoir sur notre société en décomposition, livrée aux vautours de la politique et de la finance, plus soucieux de se servir que de servir leur pays. Ainsi on peut comprendre que certains se laissent abuser par des discours extrêmes.

En fin de roman, la sinistre tuerie du Bataclan change la donne. Les enquêtes criminelles sont reléguées aux oubliettes. La priorité est d’assurer la sécurité des Français, de lutter contre le terrorisme, de rassurer la nation sur notre capacité à faire face à ce nouvel ennemi.
Les polars de Gilles Vincent sont toujours solidement ancrés dans notre réalité sociale et historique. Il nous pousse à nous interroger sur les problèmes de notre société et d’un monde en pleine mutation.
Il signe là un très bon roman, placé dans une récente actualité, habité de magnifiques personnages, et loin d’être politiquement correct. Une très belle lecture, que je vous recommande.

Editions In Octavo, 2017

4ème de couv :

Au cœur de Marseille, on exécute Tarek Bsarani de trois balles dans la tête. Il était le directeur de campagne d’une jeune députée du Vaucluse, espoir prometteur du Parti National de France. A l’autre bout du pays, on découvre dans la boue les corps meurtris de deux jeunes Erythréennes. Deux migrantes égarées sur les routes dévastées de l’exode.
Forte de son expérience et d’une équipe soudée, la commissaire Aïcha Sadia tente de dénouer l’affaire marseillaise, tandis qu’au nord, dans ces territoires laminés par la crise, le capitaine Carole Vermeer, flic fragile et vacillante, butte sur la solitude et le mensonge. A mesure que l’échéance électorale approche, la tension politique vient brouiller les pistes…
Des houillères du Pas de Calais aux plaines brûlantes de Camargue, l’auteur livre un roman noir, lyrique, politique et social. Le portrait sans concession d’une terre au bord de l’abîme, un pays sombre et parfois lumineux : le nôtre.

L’auteur :

Gilles VINCENT est né à Issy-les-Moulineaux le 11 septembre 1958. Un grand-père député du Front Populaire, grand résistant, déporté… Une grand-mère institutrice, hussarde de la République, bouffeuse de curés. Un père prof de Fac, une mère prof de Lettres, puis psychanalyste. Et c’est du côté de Valenciennes qu’il passe sa jeunesse dans laquelle ne trouvent grâce à ses yeux que les livres et les mondes imaginaires. À 14 ans, au Maroc, il dévore San Antonio jusqu’à en oublier la magie du désert. Sa décision est prise : plus tard lui aussi il racontera des histoires. À 20 ans, il abandonne ses études pour une carrière de commercial. Puis il rejoint le sud, Marseille tout d’abord puis les environs de Pau où il vit depuis quelques années, tout entier consacré à « l’aventure des mots » : ateliers, classes, conférences et romans. Dans les auteurs qui l’ont marqué, on retrouve Duras, Besson, Van Cauwelaert, Jim Harrison, Jesse Kellerman et Frédéric Dard bien sûr ! Dans ses passions se mêlent le ciné, les bouffes entre copains, les courses autour du lac, la lecture, les rêves, tous les rêves, et Madrid où il se verrait bien vivre un jour…

(Source :Éditions Jigal)

 

Víctor del Árbol- La veille de presque tout

Comme dans ses autres romans, Víctor del Árbol intègre son histoire dans un contexte historique récent et douloureux, entre deux dictatures, celle de l’Argentine et la dictature Franquiste. Ces deux périodes furent source de bien des traumatismes pour ceux qui les ont vécues, et leurs descendants en portent encore les cicatrices.

Germinal Ibarra, inspecteur de police, a connu une célébrité soudaine en arrêtant l’assassin de la petite Amanda, une fillette assassinée à Málaga. Pour s’éloigner de cette agitation, il retourne exercer à la Corogne, sa ville natale. C’est un cinquantenaire dépressif, marqué par un épisode de son enfance, et qui vit dans la tentation permanente du suicide.
« Il retient son souffle, les paupières lourdes, cherche la détente avec son index. Il appuie – jamais assez – et recule, danse macabre qui lui détruit les nerfs. “Vas-y une bonne fois pour toutes !” crie-t-il dans sa tête ; et pourtant, ce soir aussi l’impossibilité l’emporte. Il laisse retomber le pistolet entre ses jambes avec un cri muet. Un désespoir sans fin. “Lâche, tu es un foutu lâche.” »

Une nuit, il reçoit un appel de l’hôpital : une femme admise dans un état critique demande à le voir.
Cette femme, Paola, a débarqué à Punta Caliente, un petit village de la côte de Galice pour s’y installer quelque temps. Elle semble fuir quelque chose, ou quelqu’un, qui l’empêche de retrouver sa vie. Pour fuir son passé, le mode de vie que l’on lui impose et qu’elle déteste, elle s’est réfugiée dans l’excès suicidaire de drogue, d’alcool et de sexe effréné.
Dans ce même village vivent Dolores, et Martina, sa fille, amie de Daniel. Daniel, qui a vu toute sa famille périr dans l’incendie de sa maison, a été recueilli par son grand-père Mauricio. Daniel passe le plus clair de son temps avec Martina, en une relation d’amitié possessive, dont tous les adultes sont exclus.
A ceux là vont s’ajouter d’autres personnages, qui peuvent paraître secondaires, mais tous ont leur importance et chacun a un rôle décisif dans le développement de l’histoire. Bien que les fils conducteurs du récit soient Germinal et Paola, Dolores, Mauricio, Martina, Daniel ou Oliverio sont également essentiels.
« Mauricio hocha la tête, mais depuis un petit moment il ne voyait que le paysage épais de l’Allemagne en 1955, dix ans après la guerre, et le souvenir de ce voyage en train à travers la Bavière, avec Oliverio et la Roussotte ; la succession monotone de poteaux électriques, le paysage austère et froid, un brouillon fugace d’images derrière la fenêtre du wagon qui l’emportait vers le reste de sa vie, et une impression que le temps s’immobilisait un instant avant d’aborder le futur ; en bruit de fond, les rires optimistes d’Oliverio et de la Roussotte, dans ce train allemand d’après-guerre rempli d’immigrants espagnols, argentins, polonais, turcs et italiens qui venaient se forger un avenir. »

Mauricio, Oliverio, et La Roussotte , ces trois amis ont en commun un long passé. Émigrés d’Argentine en Allemagne pour travailler aux usines Mercedes, ils ont par la suite regagné leur pays, et leurs vies ont suivi des chemins opposés. Ils vont subir de façon bien différente les évènements qui ont secoué l’Argentine à cette époque, et brisé les liens d’amitié qui les unissaient. Oliverio deviendra un membre du tristement célèbre Grupo de tareas(1) de la dictature militaire, Mauricio et La Roussotte eux, se retrouveront emprisonnés sous sa garde.

L’auteur joue avec tous ces personnages, en de multiples allers-retours du présent au passé, nous dévidant le fil de leur histoire et de leur tragédie personnelle, sans que jamais le lecteur ne se trouve perdu. Des sinistres prisons de la junte argentine, aux falaises abruptes de Galice ou aux rues de Barcelone, les destins de toutes ces personnes trouvent leur chemin. Le hasard, ou la fatalité, qui se plaît à jouer avec les hommes, les réunira à nouveau dans la vieille Europe, pour boucler enfin la boucle, remettre à plat tous leurs différends, et trouver enfin la compréhension ou le pardon…

C’est un roman choral, une histoire à plusieurs voix, qui nous parlent du passé, de souvenirs qui nous tiennent captifs et dont l’on ne peut se défaire. Chacun des personnages affronte ses propres démons, dans son enfer personnel, et doit trouver au plus profond de soi les ressources nécessaires pour aller de l’avant.
« Presque cinquante ans se sont écoulés et l’inspecteur scrute la nuit de La Corogne, convaincu que cet enfant terrifié se cache encore quelque part. Il se demande si personne n’a jamais compris – et lui non plus – l’enfant qu’il a été. Parfois, il rêve que le temps s’arrête et qu’il revient en arrière, quand le vieux se retourne vers l’enfant… » … « que son cri étouffé retentisse à ses oreilles ; et il rêve qu’il s’enfuit à cet instant précis, juste avant que disparaisse son enfance.
-Il n’a parlé de cet épisode à personne, pas même à Carmela.
Il ne saurait comment expliquer que ce n’était pas le fou – ni ce qu’il lui avait infligé – qui l’effrayait, mais ses yeux, cette façon de regarder comme si rien n’existait hors d’une obscurité sauvage qui résidait à l’intérieur de lui.
–  On ne voit pas les étoiles filantes. »

Cette histoire est habitée de contrastes permanents entre l’amour et la colère. La noirceur de l’atmosphère y côtoie la beauté des poèmes de Juan Gelman, des images de Gauguin ou de Vermeer, la musique de Johnny Cash ou de Debussy.

Le rythme de l’histoire n’est pas particulièrement soutenu, mais te tire toujours en avant, dans une tension et un suspense constants. Dès les premières lignes, l’auteur nous emprisonne dans les filets d’une narration maîtrisée, qui ne souffre d’aucun temps mort. Tu te dis « encore un chapitre avant de poser le bouquin », mais ne nous y trompons pas… c’est impossible… Nous en voulons toujours plus, savoir ce qu’il va se passer, ajouter au puzzle les pièces qui nous manquent pour avoir, enfin la vision globale de l’histoire.

Le thème du roman n’est pas la vengeance, il s’agit davantage de la reconnaissance de la faute et du pardon et c’est, au-delà de leur conflit, le lien très fort qui unit Mauricio à Oliverio. Et pour citer l’auteur « l’acte le plus héroïque que nous puissions faire, c’est de pardonner, y compris de se pardonner à soi-même. »
Víctor del Árbol nous propose là un très grand roman, sombre, violent et magnifique, où l’émotion affleure à chaque page, et où le mal absolu côtoie la beauté la plus pure.
Une très belle lecture, que je recommande chaudement.

Éditions Actes Sud, 2017

(1) Dans le jargon de la dictature militaire qui gouverna de fait l’Argentine depuis le coup d’Etat de 1976 jusqu’à la restauration de la démocratie en 1983, les « grupos de tareas » étaient des groupes composés de membres des diverses forces armées, des corps de sécurité de l’état et paramilitaires, qui avaient pour fonction la séquestration, la torture et éventuellement l’assassinat et l’élimination des cibles, signalées par la dictature : opposants politiques, guerrilleros, intellectuels, dirigeants syndicaux, famille et amis de ceux-ci. Ils géraient également les centres clandestins de détention.
(Source : Wikipedia)

4ème de couv :
Veille de presque toutL’inspecteur Ibarra a été transféré depuis trois ans dans un commissariat de sa Galice natale après avoir brillamment résolu l’affaire de la petite disparue de Málaga. Le 20 août 2010, 0 h 15, il est appelé par l’hôpital de La Corogne au chevet d’une femme grièvement blessée. Elle ne veut parler qu’à lui. Dans un sombre compte à rebours, le récit des événements qui l’ont conduite à ce triste état fait écho à l’urgence, au pressentiment qu’il pourrait être encore temps d’éviter un autre drame.
À mesure que l’auteur tire l’écheveau emmêlé de ces deux vies, leurs histoires – tragiques et sublimes – se percutent de plein fouet sur une côte galicienne âpre et sauvage.
Une fillette fantasque qui se rêvait oiseau marin survolant les récifs, un garçon craintif qui, pour n’avoir su la suivre, vit au rythme de sa voix, un vieux chapelier argentin qui attend patiemment l’heure du châtiment, un vétéran des Malouines amateur de narcisses blancs…
Aucun personnage n’est ici secondaire et l’affliction du passé ne saurait réduire quiconque au désespoir. Chacun est convaincu que le bonheur reste à venir, ou tente pour le moins de s’inventer des raisons de vivre. C’est ainsi que, dans ce saisissant roman choral, l’auteur parvient à nimber de beauté l’abjection des actes, et de poésie la noirceur des âmes.

L’auteur :
Víctor del Árbol est né à Barcelone en 1968.
Après des études supérieures en histoire à l’Université de Barcelone, il a travaillé dans les services de police de la communauté autonome de Catalogne. de 1992 à 2012.
Il amorce une carrière d’écrivain avec la publication en 2006 du roman policier El peso de los muertos. C’est toutefois la parution en 2011 de La Tristesse du samouraï (La tristeza del samurai), traduit en une douzaine de langues et best-seller en France, qui lui apporte la notoriété. Pour ce roman, il remporte plusieurs distinctions, notamment le prix du polar européen 2012.
En 2015, son roman Toutes les vagues de l’océan remporte le grand prix de littérature policière du meilleur roman étranger.
En 2016, il reçoit le prix Nadal (le plus ancien prix littéraire décerné en Espagne), pour La víspera de casi todo (La veille de presque tout).

 

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Sylvain Meunier – L’empire du scorpion

 

The Big Blowdown reçoit aujourd’hui une invitée de marque : Christine Roy, qui vient nous parler d’un auteur et d’un roman qui lui tiennent particulièrement à cœur, et avec un bel enthousiasme…
Je vous invite à les découvrir, tous les deux !

4ème de couverture :

l-empire-du-scorpion« Il voit le vivarium. Le scorpion ne bouge plus. Jusqu’à la dernière visite de Jacynthe Lemay, il l’avait nourri et abreuvé. Puis il a oublié. Toute routine est devenue au-dessus de ses forces. La mécanique de sa vie s’est complètement déréglée. Il a perdu Marie, et maintenant il perd son petit complice impénétrable.»
Régnant dans les hautes sphères de la politique canadienne, bien à l’abri derrière une fortune colossale et des lois qu’il interprète à son avantage, un être ignoble magouille à satiété, fait chanter en toute impunité, et signe une flopée de crimes sordides. Que sait-il de Marie Doucet, la femme de Percival Imbert, disparue mystérieusement un soir de décembre 1977 ? De Montréal à Ottawa, Jacynthe Lemay enquête.

L’Empire du scorpion
Sylvain Meunier
Guy Saint-Jean Éditeur

 

Voilà déjà quelques années que j’ai eu plaisir à découvrir cet auteur québécois avec « Les mémoires d’un œuf » aux Editions La Courte Echelle, roman policier qui lui valu, le prix Ténébris « aux Printemps meurtriers » de Knowlton, au Québec.

Lien : http://www.lesprintempsmeurtriers.com

les mémoires d'un oeufCette découverte était une invitation à aller plus loin dans la découverte de Sylvain Meunier

C’est un auteur prolifique, un écrivain talentueux. Il est d’une telle créativité qu’il a su, au fil de ses romans, m’embarquer dans un monde loufoque, m’intriguer, me faire hurler de rire, m’émouvoir jusqu’aux larmes. Je peux affirmer qu’il ne m’a jamais laissé indifférente.

Et voilà qu’avec ce tout dernier roman, Sylvain Meunier réitère et crée la surprise une fois de plus !

 

Mon avis :

Allez, que je vous situe un peu l’action. Imaginez  un vendredi de décembre, un grand magasin, à l’apogée de son effervescence. Bref ! Vous êtes déjà dans l’enfer absolu ! Un homme complètement hagard, Percival Imbert, erre, ses paquets à bout de bras. Il a perdu sa femme…

Dans le centre commercial, il trouve en la personne de Jacynthe Lemay, la fonctionnaire de police idéale pour lui apporter aide et réconfort. Malgré la bizarrerie de la situation, elle fait preuve de beaucoup d’empathie, de patience et persévérance. Autant vous le dire de suite, elle restera proche de notre homme complètement désorienté et mènera l’enquête jusqu’au bout.

La situation peut paraître banale : perdre sa moitié dans les grands magasins, pendant la période survoltée des achats de fin d’année, est un fait courant.

Mais, dès les premières pages, vous réalisez que Percival Imbert, outre son nom sorti on ne sait d’où, est un personnage hors du commun, qui vit dans un monde clos, un univers bien à lui que vous découvrirez avec plaisir. Sa vie est réglée comme une montre suisse et voilà que tout bascule. C’est un véritable cataclysme ! Inexorablement, vous êtes aspirés, au cours d’une incroyable enquête, dans une spirale d’évènements aux côtés de Percival et de la charmante Jacynthe. Vous voyagerez du centre commercial jusqu’au Lazaret de Tracadie, pour finir où ? Là, je ne peux rien dire de plus, ce serait tout dévoiler ! Mais croyez-moi, Sylvain est un homme de cœur, généreux, reconnaissant qui m’a fait une bien belle surprise : mes joues en ont rosi à la lecture des dernières pages. Lisez cet excellent roman pour le découvrir (oui, je suis très joueuse !)

Sylvain Meunier a un talent sans pareil pour donner vie à ses personnages. Il a une façon singulière de « croquer », tel un portraitiste parfois caricaturiste, ses personnages en un éventail incroyable du genre humain. Cet univers fantasque, choix délibéré de l’auteur est en réalité un échantillon de notre monde actuel vu par le petit bout de la lorgnette. Il aborde ainsi avec sérieux, intelligence et fantaisie, les problèmes de la société actuelle qui lui tiennent particulièrement à cœur.

Dans « l’empire du scorpion », il nous dépeint un univers impitoyable où la corruption, la violence et le crime organisé s’immiscent dans les plus hautes sphères de la politique et de la finance. Il dénonce la toute puissance de l’argent et du pouvoir qui assurent une totale impunité pour les crimes les plus abjects, enfermant dans le silence, d’insoutenables malversations.

Sylvain Meunier a la délicatesse d’honorer la Femme avec sensibilité et subtilité. Il lui redonne toute sa noblesse. Elle est la clé essentielle dans la résolution de cette affaire. Jacynthe, Marie, Sœur Dorina Frigault, Sœur Annonciade Frenette, nous aident à comprendre les lourds secrets de famille qui se perpétuent de génération en génération. Elles nous montrent le chemin de la tolérance et de la résilience.

Tant d’autres personnages atypiques colorent ce roman ! Sylvain n’a pas son pareil pour parsemer ses romans de fantaisie, de poésie, d’humour d’une plume qui me séduit par sa richesse et son apparente simplicité.

Ce roman est un incroyable sac de nœuds qui vous fait perdre la tête et qui vous tient captifs jusqu’au dénouement.

Je vous laisse le choix de découvrir une petite partie de l’univers de Sylvain Meunier, avec ce roman vraiment très abouti. J’y sens une implication personnelle plus intense de la part de l’auteur, plus critique envers le système politique de son pays. Il conserve cependant  son excellente qualité d’écriture, à la fois précise et poétique. Sylvain Meunier est un incroyable romancier capable de me surprendre encore. Il dévoile à chaque fois, une facette supplémentaire de sa personnalité, et qui ne manque pas de brillance. Le charme opère, encore et encore.

Un auteur singulier à découvrir absolument !

Extraits :
Sylvain Meunier est aussi un excellent conteur. Ne passez pas à côté de ces quelques moments,  des extraits choisis et  lus par l’auteur:

https://www.facebook.com/yvan.laurendeau/videos/767659603272504/

https://www.facebook.com/yvan.laurendeau/videos/770476536324144/

https://www.facebook.com/sylvain.meunier.9/videos/977656235593852/

Quelques romans lus :

L’homme qui détestait le golf (Prix Saint Pacôme du roman policier 2008)

Lovelie d’Haïti (3 tomes)

La nuit des infirmières psychédéliques

L’homme qui détestait les livres (nouvelle dans « Crimes à la Librairie »)

Le bon sommeil du roi de Sucredor

Germain, l’histoire de mon chien

Piercings sanglants

 

étalage livres meuniers

 

 

 


L’auteur :

sylvain_meunierSylvain Meunier est un auteur  Canadien, né à Lachine (Québec) en 1949

Après avoir enseigné pendant trente ans, Sylvain Meunier se consacre maintenant à ses projets d’écriture. À la courte échelle, il a publié plusieurs romans dans les collections jeunesse et, en littérature adulte, sa populaire trilogie Lovelie D’Haïti rééditée en format de poche.
Sylvain Meunier a été finaliste au Prix du Gouverneur général du Canada en 2002, 2004 et 2005. Il a été sélectionné à plusieurs reprises pour le Prix Hackmatack et a remporté en 2004 le Grand Prix du livre de la Montérégie.
En 2007, il remporte le prix Création en littérature du premier Gala de la Culture de la ville de Longueuil pour la série Ramicot Bourcicot.

Auteur également de :

L’homme qui détestait le golf – la courte échelle, Montréal mai 2008 (Gagnant du prix Saint-Pacôme du roman policier – 2008 et finaliste au Arthur Ellis Award 2009 finaliste au Gala de la culture 2009 – Prix du roman AQPF-ANEL 2009)

Les mémoires d’un Œuf – la courte échelle, Montréal septembre 2011 « (Coup de cœur du jury de l’Association des auteurs de la Montérégie-2011) » « (Prix Tenebris 2012)