Après un braquage qui a mal tourné, Raffaello croupit en prison depuis 15 ans. Lors de ce braquage, shooté à mort, il a abattu froidement un petit garçon de huit ans et atteint sa mère d’une balle dans le ventre. Elle décèdera peu après à l’hôpital. Il n’a jamais dénoncé son complice, qui a pu s’enfuir avec l’argent du braquage.
« C’est tout noir, Silvano. Je vois plus rien, j’ai peur, j’ai peur, aide-moi, c’est tout noir. » Moi aussi, j’aurais voulu hurler jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la mort.
Les derniers mots de son épouse, alors qu’elle est en train de mourir et qu’il lui tient la main, obsèdent Silvano depuis plus de 15 ans.
Alors, lorsque Raffaello, après 15 ans de détention, comme le lui permet la loi italienne, lui demande son pardon pour bénéficier d’une remise de peine, Silvano, scandalisé et choqué, refuse.
Dans un deuxième temps, il acceptera d’accorder son pardon, par le biais d’une lettre ouverte aux journaux, mais pour mieux mettre en place une vengeance terrible et mûrement réfléchie.
Ces quinze ans de solitude, il les a occupés à devenir transparent, il ne supportait plus d’être « le pauvre mari » de la victime, époux et père endeuillé.
« Les seules photos que je gardais près de moi avaient été prises sur le lit en acier de l’institut médico-légal. J’observai le thorax ouvert et saccagé par les bistouris de ma femme et de mon fils. La douleur battit plus fort en moi et un coup monta de l’estomac jusqu’à la gorge, mais de penser que Beggiato était malade ne me fit pas pleurer. Ce pauvre connard pensait que j’étais capable de gestes nobles. Pour pardonner, il faut éprouver des sentiments, avoir une vie. Or, tout ce qui m’était resté, je le tenais là, dans la main. »
Après la libération de Raffaello, Silvano met en place son plan machiavélique, et l’on assiste à la modification des caractères. Le meurtrier, malade du cancer, et qui n’a plus que deux ans à vivre, n’aspire qu’à retrouver son ancien complice, récupérer sa part de butin et finir sa vie au Brésil. Il semble regagner un peu d’humanité, alors que Silvano, prisonnier de sa haine et de sa rancœur, va peu à peu devenir pire que le monstre qui lui a tout pris. Il va s’acharner, sur ses proches, s’octroyant les faveurs sexuelles de la petite amie de Raffaello emprisonné, et ensuite, sous la menace du chantage, de la femme de son complice.
« T’es libre et t’as plus de temps à perdre. Maintenant la mort, ça me fait vraiment flipper. Dans ma cage, parfois, j’pensais que ça pouvait être ma seule libération de la perpète, mais là, maintenant, j’me sens comme un condamné à mort. J’ai l’impression d’avoir une bombe à retardement dans le fion. Le cancer, c’est une énorme bite qui t’encule jusqu’à te tuer. »
Carlotto nous donne à voir deux monstres générés par les conséquences d’un même évènement. Le premier a purgé sa peine et serait plutôt sur la voie de la rédemption. Le second s’est enfermé dans une conduite vengeresse, déterminé à appliquer la justice lui-même. Il se révèle d’une cruauté froide, sans bornes.
Tout au long du roman, la référence aux derniers mots de la morte, sonnent comme un leitmotiv qui justifie tous les actes de Silvano, obstiné à venger la mort de sa femme et de son fils, dusse-t-il pour cela endosser lui-même le costume du monstre.
Ce roman à deux voix alternées, est une œuvre noire, poisseuse. Carlotto utilise un style très direct, un langage très cru, voire vulgaire. Et tout son récit est mené sur un rythme endiablé, sans une respiration, sans un moment de répit, jusqu’à ce que toutes les frustrations et le désir de vengeance accumulés pendant quinze ans se déchaînent, dans une explosion de violence gratuite et paroxystique.
Un excellent roman, d’une noirceur désespérée, où nul n’est complètement innocent, et où on ne sait plus bien qui sont les victimes et les bourreaux.
Éditions Métailié, 2006
Merci, mon ami Pierre de m’avoir incité à me pencher sur cet auteur. Il en vaut vraiment la peine.
4ème de couv.
Au cours d’un braquage, une femme et son fils de 8 ans, pris en otages, sont tués. L’un des braqueurs est condamné à la perpétuité, l’autre s’échappe avec le butin. Quinze ans plus tard, atteint d’un cancer le prisonnier formule un recours en grâce et demande, selon la loi italienne, le pardon de Silvano Contin, père et mari des victimes.
La réponse de cet homme ravagé par la douleur et la solitude, obsédé par les dernières paroles de sa femme, est au centre de ce roman implacable qui place face à face l’assassin et la victime. Qui purge la peine la plus dure? De ce duel il ne sortira pas de vainqueur.
L’auteur :
Massimo Carlotto est né à Padoue en 1956.
Découvert par le critique et écrivain Grazia Cherchi, il a fait son entrée sur la scène littéraire en 1995 avec le roman Il fuggiasco (Le Fugitif, non traduit en français), publié par les éditions E/O, qui a obtenu le prix Giovedì en 1996. Depuis, il a écrit quinze autres romans, des livres pour enfants, des romans graphiques et des nouvelles publiées dans des anthologies.
Ses romans sont traduits dans de nombreux pays; certains ont été adaptés au cinéma. Massimo Carlotto est aussi auteur de pièces de théâtre, scénariste pour le cinéma et la télévision, et il collabore avec des quotidiens, des magazines et des musiciens.
En 2007, il est lauréat du prix Grinzane Cavour – Piémont Noir.
« L’Immense Obscurité de la mort » reçoit en 2007 le Grand Prix du Roman Noir étranger du festival du film de Cognac.