R.J. Ellory – Un cœur sombre

RJ Ellory explore dans ce roman un thème qui est familier à tous les habitués du roman noir. Son personnage, Vincent Madigan, est un flic corrompu, alcoolique et accro aux médicaments. Mauvais mari et père absent, il a foiré ses trois premiers mariages.
« Et maintenant elle avait la moitié de son fric et la moitié de ses couilles et la moitié de tout le reste. Il repensa alors à l’autre, la femme d’avant. C’était elle qui avait l’autre moitié, mais ça, c’était également une autre histoire. Et Madigan ? Il n’avait rien. C’était comme s’il avait commencé avec rien, et qu’il en était toujours à peu près au même stade. Tout ça à cause d’elle. À cause d’elles deux. Et des autres. Toutes les mêmes. Et, bordel, il se sentait vraiment trop con. »
En une succession de compromissions au bénéfice de Sandía, un baron de la drogue, il s’est laissé entraîner dans une chute sans fin, accumulant une dette de près de 200.000 dollars envers lui, « l’homme-pastèque », qui règne sur le « Yard », quartier de East-Harlem. Pour se sortir de cette situation, et effacer son ardoise, il a la folle idée de braquer 400.000 dollars dans une des planques du baron.
Hélas, lors de ce braquage les choses tournent mal et, pour préserver son anonymat, il se trouve obligé de se débarrasser de ses complices, trois petits malfrats recrutés pour cette occasion. Malheureusement, Melissa, une petite fille qui se trouve dans la maison, est gravement blessée dans l’échange de coups de feu.
Sandía ne risque pas de prévenir la police de ce vol. Et pour cause : nous apprendrons bientôt que ces billets provenant du braquage d’une banque sont marqués et donc inutilisables en l’état.
Il convoque donc Madigan et lui enjoint de faire la lumière sur ce braquage.

Madigan va devoir se sortir de cet imbroglio, pour d’une part se dédouaner de toute implication dans le vol, et les meurtres vis-à-vis de Sandía, et d’autre part éviter toute mise en cause sur l’enquête de police concernant les 7 cadavres trouvés sur les lieux du braquage.

Hanté par un fort sentiment de culpabilité et pour se sortir de la situation dans laquelle il s’est empêtré, il va, sans états d’âme, impliquer d’autres personnes, dans une machination particulièrement compliquée. Demeure la question de savoir si l’on peut échapper à sa conscience et où cet engrenage va le mener. Pour réparer les torts qu’il a causés, devra-t-il y laisser son âme ou même sa vie ?

Les personnages qui peuplent ce roman sont bien campés : Sandía le truand, les petits malfrats qui servent d’indics à Madigan, et Walsh le flic de l’Inspection des services. Isabella, la maman de la fillette, est la seule à apporter un peu de lumière et de douceur dans cet univers très sombre.
Vincent Madigan, lui n’est pas un être très sympathique au premier abord. Il a de nombreux défauts, il est voleur, menteur, manipulateur, violent, a peu de considération pour son entourage, et sa fréquentation n’est pas sans risques.

Malgré tout cela, on se rend compte que cet homme imparfait, a un cœur, un cœur sombre, mais un cœur tout de même. Sa conscience lui donne la capacité d’assumer les conséquences que ses propres décisions ont provoquées.

« Il frissonna. Il se sentait transparent. Il avait l’impression que le monde entier le voyait tel qu’il était vraiment, que le monde entier voyait le petit poing serré de son cœur sombre dans sa poitrine.il avait honte. Non, il n’avait pas honte. Il se sentait juste petit, infiniment petit. »
On se laisse emporter par cette histoire, menée sans temps mort, pleine de rebondissements, au travers de laquelle l’auteur nous dépeint une Amérique en proie à ses démons, la violence et la corruption, omniprésentes. Il nous donne à voir le parcours oppressant d’un homme aux deux visages, qui tente de retrouver un peu de lumière, et se frayer un chemin vers une impossible rédemption.
R.J. Ellory signe là encore un très bon roman et conforte, s’il en était encore besoin, sa position parmi les meilleurs auteurs de romans noirs du moment.
Une très bonne lecture, que je recommande sans réserve…
Éditions Sonatine, 2016

4ème de couv :

Sous sa façade respectable, Vincent Madigan, mauvais mari et mauvais père, est un homme que ses démons ont entraîné dans une spirale infernale. Aujourd’hui, il a touché le fond, et la grosse somme d’argent qu’il doit à Sandià, le roi de la pègre d’East Harlem, risque de compromettre toute son existence, voire de lui coûter la vie. Il n’a plus le choix, il doit cette fois franchir la ligne jaune pour pouvoir prendre un nouveau départ. Il décide donc de braquer 400 000 dollars dans une des planques de Sandià. Mais les choses tournent mal : il doit se débarrasser de ses complices, et une petite fille est blessée lors d’échanges de tirs. Rongé par l’angoisse et la culpabilité, Madigan va s’engager sur la dernière voie qu’il lui reste : celle d’une impossible rédemption.

L’auteur :

R.J. Ellory, auteur anglais, est né en 1965. Après l’orphelinat et la prison, il devient guitariste dans un groupe de rythm and blues, avant de se tourner vers la photographie. Bien que Britannique, tous ses romans ont pour cadre les États-Unis.
Ses autres romans, publiés chez Sonatine Éditions :
Seul le silence, 2008
Vendetta,  2009
Les Anonymes, 2010
Les Anges de New York
, 2012
Mauvaise étoile, 2013
Les Neuf Cercles, 2014
Les Assassins, 2015
Papillon de nuit, 2016

 

R.J. Ellory – Papillon de nuit

Ce livre patientait dans ma PAL, avec un flegme tout britannique, depuis le salon de Toulouse 2015. Une récente interview de l’auteur à Lyon par mon ami Yvan, l’a rappelé à mon bon souvenir. Et ça valait le coup, bon sang !

Au début des années 50, au bord d’un lac de Caroline du sud, la rencontre de deux jeunes garçons, Daniel le blanc et Nathan le noir, et le partage d’un sandwich au jambon cuit « le meilleur jambon cuit de ce côté ci de la frontière avec la Géorgie » va sceller une amitié qui, malgré les obstacles, ne se démentira pas durant les années, jusqu’à l’issue fatale.

Prison de Sumter, trente ans plus tard…
Daniel Ford est dans le couloir de la mort depuis 12 ans, déclaré coupable d’avoir assassiné son ami noir Nathan Verney. Le 5 octobre, on lui annonce que la date de son exécution est fixée au 11 novembre.

« Trente-six ans, et certains jours j’ai encore l’impression d’être un enfant.
L’enfant que j’étais quand j’ai rencontré Nathan Verney au bord du lac Marion, à proximité de Greenleaf, en Caroline du Sud.
Accompagnez-moi, car même si je marche lentement, je n’aime pas marcher seul.
Pour moi, au moins pour moi, ces pas si silencieux seront les plus longs et les derniers. »

Trente-six jours, le temps de faire un point sur les trente-six années qu’aura duré sa courte vie. Durant ces cinq semaines, il va recevoir de nombreuses visites du Père John  Rousseau. Plus que le salut de son âme, le Père Rousseau semble davantage intéressé par l’histoire de Daniel, et le presse de questions, lui intimant de raconter son histoire dans les moindres détails.
Ces conversations qui ponctuent les dernières semaines de sa vie, Daniel les attend comme une parenthèse, un moment de paix dans la dureté de ce monde carcéral. Nous revivons, au travers de ses souvenirs, presque vingt ans de l’histoire Américaine, du Ku Klux Klan, et le début de la lutte des noirs pour leur droits civiques, des assassinats de John Kennedy, de Martin Luther King et de Robert Kennedy, jusqu’au traumatisme que représenta pour une génération la guerre du Viêt-Nam.
Cette période animée voit l’émergence de la libération sexuelle, l’apparition des drogues, d’une nouvelle culture.

Les personnages sont d’une réelle épaisseur : Daniel et Nathan bien sûr, si proches et en même temps si différents. Caroline Lanafeuille et Linny Goldbourne, les deux visages féminins de la vie de Daniel. Les deux personnages de gardiens, aux personnalités diamétralement opposées : M. Timmons aussi humain que le lui permet sa fonction, et M. West dont le sadisme et la cruauté atteignent des sommets. Le Père John Rousseau, charitable et empathique, est le pilier sur lequel Daniel pourra s’appuyer pour aller vers sa fin sans faiblesse.

« M. Timmons est gardien dans le couloir de la mort, il fait son boulot, il obéit aux règles, et il laisse ces questions d’innocence et de culpabilité au gouverneur et au petit Jésus. Il n’est pas censé prendre de telles décisions, il n’est pas payé pour ça. Alors il ne le fait pas.
C’est plus simple ainsi.
M. West, c’est une autre histoire. Certains types ici croient qu’il n’est pas né de parents humains. Certains types ici croient qu’il a été engendré dans un bouillon de culture au MIT ou quelque chose du genre, au cours d’une expérience dont le but était de créer un corps sans cœur ni âme ni grand-chose d’autre. C’est un homme sombre. Il a des choses à cacher, de nombreuses choses, semble-t-il, et il les cache dans les ombres que dissimulent ses yeux et ses paroles, et dans l’arc que décrit son bras quand il abat sa matraque sur votre tête, vos doigts, votre dos. »

L’auteur dépeint de façon poignante la déshumanisation du monde carcéral, et la torture morale que représente l’attente d’une mort annoncée. C’est un véritable réquisitoire contre la peine capitale. C’est également une vision très critique du monde politique de l’époque, entre scandales et complots, et de la guerre du Viêt-Nam, au travers de l’évocation du massacre de My-Lai.

Il déclarait lors d’une récente interview, à propos de ce titre : « J’ai été très content quand lors de sa sortie, il a été chroniqué et les gens disaient : c’est son premier bouquin et il est vraiment bon. Comme s’ils s’attendaient à ce qu’un premier roman ne soit pas bon… »

Pour ce premier roman, publié en Grande Bretagne en 2003 l’auteur fait preuve d’une maturité étonnante et d’un talent avéré. Il présente avec beaucoup de finesse l’histoire récente des  Etats-Unis, et porte un regard que l’on devine un peu nostalgique, sur cette époque à tous points de vue foisonnante, et vraiment agitée d’un point de vue politique.

Ce n’est pas vraiment un roman policier, l’intrigue est relativement simple. La question de la culpabilité de Daniel, d’un intérêt certain, n’est pas le sujet essentiel du livre. La force de ce roman tient plutôt à l’émotion qui s’en dégage, au travers des rapports humains entre tous les protagonistes, aux prises avec leur propre histoire, leurs propres choix, et l’Histoire, avec un grand H. C’est un roman sur l’amitié, l’amour, la perte et la trahison.

Je n’irai pas jusqu’à dire que ce roman est génial ou que c’est un chef d’œuvre, termes bien souvent galvaudés et que je vois fleurir ici et là sur les blogs et réseaux sociaux à propos de tel ou tel roman. Ce roman est tout simplement très bon, excellent même… Et si j’ose la comparaison cinématographique, c’est une mise en scène absolument maîtrisée et un scénario sans faille, avec une tension dramatique permanente, servis par une distribution impeccable, depuis les premiers jusqu’aux seconds rôles.

Et si je peux me permettre, allez le voir, euh, pardon… le lire sans tarder

Éditions Sonatine, 2015. 

4ème de couv :

Après l’assassinat de John Kennedy, tout a changé aux États-Unis. La société est devenue plus violente, la musique plus forte, les drogues plus puissantes que jamais. L’Amérique a compris qu’il n’y avait plus un chef, un leader du pouvoir exécutif, mais une puissance invisible. Et si celle-ci pouvait éliminer leur président en plein jour, c’est qu’elle avait tous les pouvoirs.
C’est dans cette Amérique en crise que Daniel Ford a grandi. Et c’est là, en Caroline du Sud, qu’il a été accusé d’avoir tué Nathan Vernet, son meilleur ami.
Nous sommes maintenant en 1982 et Daniel est dans le couloir de la mort. Quelques heures avant son exécution, un prêtre vient recueillir ses dernières confessions. Bien vite, il apparaît que les choses sont loin d’être aussi simples qu’elles en ont l’air. Et que la politique et l’histoire des sixties ne sont pas qu’une simple toile de fond dans la vie de Daniel, peut-être lui aussi victime de la folie de son temps.

Publié en 2003 outre-Manche, Papillon de nuit est le premier roman de R.J. Ellory. Récit d’un meurtre, d’une passion, d’une folie, il nous offre une histoire aussi agitée que les années soixante.

L’auteur:

R.J. Ellory, auteur anglais est né en 1965. Après l’orphelinat et la prison, il devient guitariste dans un groupe de rhythm and blues, avant de se tourner vers la photographie. Après Seul le silence, Vendetta, Les Anonymes, Les Anges de New York et Mauvaise étoile, Papillon de nuit est son sixième roman publié en France par Sonatine Éditions.
Est paru en octobre 2016, toujours chez Sonatine, son septième roman : « Un coeur sombre ».

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