Thomas H. Cook – Danser dans la poussière

Dans sa jeunesse, Ray Campbell a séjourné un an au Lubanda comme travailleur humanitaire. Lors de ce séjour en Afrique, il a rencontré Martine Aubert, qui exploitait seule avec Fareem, un employé indigène, la ferme de son père. Née au Lubanda, Martine était Lubandaise et le revendiquait, avec tous les risques que cela pouvait entraîner.

Ray tombe amoureux d’elle, et pris dans l’accélération des événements, va commettre une fatale erreur d’appréciation. Son incapacité à comprendre l’attachement de Martine envers son pays finira par causer la mort de celle-ci. Ray, au bout de son contrat, et dévasté de chagrin, rentrera aux États-Unis.

Vingt ans plus tard, il apprend que Seso Alaya a été assassiné à New York. C’est le collaborateur que lui avait assigné Bill lors de son premier séjour en Afrique. Il a été torturé avant d’être tué, et l’on suppose qu’il était venu en Amérique délivrer un message.
A la demande de Bill, Ray retourne donc au Lubanda pour éclaircir les motifs de la mort de Seso, et aussi de Martine.

A plus de vingt ans d’intervalle, nous voyons évoluer Ray, du jeune homme idéaliste qu’il était lors de son premier séjour au Lubanda, jusqu’à l’homme qu’il deviendra, bien des années plus tard, marqué par le poids de la perte subie, et celui de sa propre responsabilité dans cette perte.

« Je suis sur le point de lui raconter ce rêve et que par mon imprudence je l’ai trahie. Comment, ici même, à Rupala, voilà vingt ans, j’ai fait rouler les dés pour cette femme pas même présente à la table de jeu, et comment, sur le résultat de ce lancer, un cœur bien plus courageux et bien plus intelligent que le mien a été perdu. »

Pour ce roman, Thomas H Cook délaisse un temps son Amérique natale et nous transporte au Lubanda, un pays imaginaire qu’il a créé de toutes pièces, mais bien représentatif de nombre d’états d’Afrique subsaharienne, toujours en balance entre traditions, coutumes tribales, corruption endémique et une aspiration bien légitime au progrès. Autant de facteurs qui alimentent l’instabilité des ces pays qui basculent régulièrement de fausses démocraties en vraies dictatures.

Selon un procédé dont il est coutumier, Thomas H Cook débute son histoire dans le temps présent, avant d’en dérouler le fil, par de multiples allers et retours dans le passé. Ses personnages sont pleins d’humanité, chacun d’entre eux ayant sa part d’ombre et de lumière. Au milieu d’eux, pivot autour duquel s’articule l’histoire, l’indomptable Martine Aubert, héroïne solaire, attachée à sa terre et à son pays, est absolument éblouissante.

« Les gens dansaient tout autour et, parmi eux, je reconnus Martine. Elle semblait baigner dans son élément, radieuse dans l’éclat de cette flambée, balançant sa longue chevelure d’avant en arrière, ses bras pâles fendant l’air obscur. Elle tournait lentement sur elle-même, levant et abaissant les bras, exécutant la même danse que les autres femmes autour d’elle, sensuelle, tellurique, avec une expression à la fois joyeuse et sereine. »

C’est un roman noir, mais aussi un roman d’amour, un roman politique, sur les conséquences de la colonisation, sur la difficulté de concilier le modernisme et les traditions.
C’est l’occasion aussi de pointer du doigt les limites de l’aide humanitaire qui se trouve confrontée à la dure réalité du terrain. La difficulté majeure consiste à concilier le modèle que nous connaissons aux besoins des pays que l’on veut aider. On ne peut, d’un coup de baguette magique, imposer un modèle de civilisation « prêt à l’emploi » à des populations qui ne sont visiblement pas adaptées, ni disposées à le recevoir.

« Les crimes commis au nom du mal sont très connus dans l’Histoire. Ce sont les crimes commis au nom du bien qui, le plus souvent, ne laissent pas de trace. » (Martine Aubert, « Lettre ouverte aux amis étrangers »).

D’une prose brillante, Thomas H. Cook nous dépeint les paysages, les habitants, les rites et les coutumes d’un Lubanda de fiction, qui devient diablement réel à nos yeux. La fin dramatique de l’histoire nous est déjà connue, mais qu’importe. Le talent et le savoir-faire de l’auteur ont la vertu de nous rendre captifs, dans l’attente de la révélation du pourquoi et du comment, qui nous seront délivrés en un ultime rebondissement.

Son écriture d’une grande sensibilité est toujours empreinte de poésie, magnifiquement rendue par la traduction de P. Loubat-Delranc.
Ce roman sonne aussi à mes yeux comme une sublime déclaration d’amour à l’Afrique et la scène de fin, comme un accomplissement, est d’une touchante beauté.
Avec « Danser dans la poussière », ce grand monsieur de la littérature contemporaine qu’est Thomas H. Cook signe là encore un très grand roman.

Éditions du Seuil, 2017

4ème de couv :

Dans les années 1990, Ray Campbell s’installe au Lubanda, État imaginaire d’Afrique noire, pour le compte d’une ONG.
Sa vision de ce que devrait être l’aide occidentale ne rencontre pas l’approbation de Martine Aubert, née et établie au Lubanda, pays dont elle a adopté la nationalité. Elle y cultive des céréales traditionnelles dans la ferme héritée de son père belge, et pratique le troc. Tant que règne le bon président Dasaï, élu démocratiquement, Martine vit en harmonie avec la population locale. Mais tout bascule quand des rebelles instaurent un régime de terreur : elle devient alors une étrangère « profiteuse ». Sommée de restituer ses terres ou de partir, elle se lance dans une lutte vaine contre le nouveau pouvoir en place avant d’être sauvagement assassinée sur la route de Tumasi. Campbell, amoureux transi de l’excentrique jeune femme, rentre en Amérique.
Vingt ans plus tard, devenu le florissant patron d’une société d’évaluation de risques, il apprend le meurtre, dans une ruelle de New York, de Seso, son ancien boy et interprète. Voilà qui rouvre de vieilles plaies et ravive plus d’un souvenir brûlant. Ayant établi que Seso détenait des documents relatifs à la mort de Martine, il retourne au Lubanda pour confronter les coupables.

L’auteur :

Né en 1947 en Alabama, Thomas H. Cook a quitté à dix-sept ans sa petite ville pour New York, qui le fascinait. Devenu professeur d’histoire, et secrétaire de rédaction au magazine Atlanta, il est l’auteur de vingt-cinq romans policiers troublants.
Ses romans, réputés pour leur finesse psychologique, privilégient les thèmes des secrets de famille, de la culpabilité et de la rédemption.
Il partage son temps entre Cape Cod et Culver City.

 

Thomas H. Cook – Sur les hauteurs du mont Crève-cœur

C’est toujours avec une grande gourmandise que je découvre un nouveau roman de Thomas H. Cook, et celui-ci, dès le prologue, tient toutes ses promesses :

« Voici le récit le plus tragique qu’il m’ait été donné d’entendre. Toute ma vie, je me suis évertué à le garder pour moi. »

Ainsi commence ce 12ème roman de Thomas H. Cook, l’un des écrivains les plus lyriques du roman noir. Écrit en 1995 et paru en France en 2016 seulement,  il démontre, s’il en était encore besoin, que l’histoire importe moins que la façon dont elle est contée.
Choctaw, Alabama : Ben Wade, la quarantaine bien entamée, médecin dans cette petite ville du sud profond, remonte le fil de ses souvenirs pour nous relater les évènements qui ont conduit à la sauvage agression de Kelli Troy, sur les hauteurs du mont Crèvecœur.

Il rappelle l’arrivée de la jeune Kelli, à la rentrée scolaire, en provenance de Baltimore, son intégration difficile dans la bande d’étudiants, ses premiers pas auprès de Ben comme corédactrice du Wildcat, le journal de l’école. Il décrit son engagement pour les droits civiques, éveillés en elle par une manifestation de noirs dans la ville voisine de Gadsden.
Il évoque aussi l’éveil de Ben à une passion adolescente qui se révèlera sans espoir.
« Elle hocha la tête, puis prononça les paroles les plus sombres et les plus tragiques qu’il m’ait été donné d’entendre.
– Aimer quelqu’un n’oblige pas cette personne à vous aimer en retour, dit-elle. »

L’agression de Kelli est le pivot de l’histoire. L’auteur l’aborde par de fréquents va et vient, entre le passé  le présent et le futur. C’est un peu déstabilisant au début, mais on s’y fait vite. Il nous décrit le quotidien d’une petite ville du sud des États Unis, au tout début de la déségrégation et de l’émancipation des populations de couleur.

« Qu’allait faire Kelli sur le mont Crève-Cœur ce jour-là ? Qu’allait-elle chercher, seule dans la profondeur de ces bois ? »

Ces questions, revenant comme un leitmotiv, jalonnent notre lecture. Comme le lecteur progresse dans l’histoire, qui dépeint avec beaucoup de justesse le mode de vie des  petites villes américaines, l’auteur nous décrit avec beaucoup d’empathie et de justesse le mal être de ces adolescents, prisonniers d’une société qu’ils trouvent étriquée et dont tous rêvent de partir.

“Chaque lieu renferme le monde entier… Mais peut-être que dans une petite ville, où les choses se passent plus lentement qu’ailleurs, ne les voit-on que mieux” dit Kelli.

Tout au long de la lecture nous reste en mémoire le premier chapitre, glaçant… Nous savons que Ben, à travers ses souvenirs, nous emmène vers quelque chose de terrible, forcément tragique.

« Et je me dis que tout Choctaw devait être relégué dans cette même ignorance, le monde entier, pour reprendre la formule de Kelli, composé de tout ce qui existe et n’existera peut-être jamais. Et là, tissé quelque part, une blessure en infectant une autre qui en entraînait une autre, le sombre tracé de la longue veine de ce mal qu’on n’a pas voulu. »

Et il demeure pour le lecteur la sensation diffuse et persistante que Ben est impliqué dans ce qui est arrivé à Kelli, mais on ignore de quelle façon et jusqu’à quel point.

« En chemin, je pensai à mon existence, à la manière dont, au fil des années, j’avais assumé le noble rôle de médecin de campagne et de bienfaiteur public. Seulement je savais à présent que chaque fois que je m’étais autorisé à m’imaginer en personnage aussi respectable, une troublante petite voix intérieure avait retenti, semblable à celle qui chuchotait à l’oreille des Romains de retour de conquêtes, les incitant à la prudence en leur rappelant que la gloire est éphémère. Mais en moi, cette voix était sans relâche celle de Luke, porteuse d’un tout autre message que celui entendu par les vainqueurs.»
Thomas H Cook, est un fin observateur de ses semblables et nous les décrit de fort belle manière. Il n’évite pas certains stéréotypes de la jeunesse américaine, comme le « fort en thème » à lunettes, ni la traditionnelle reine de beauté du lycée et son pendant masculin, le beau « quarterback » de l’équipe de football.
Mais on lui pardonne bien volontiers, tant son histoire est prenante et bien construite, une formidable évocation qui gagne en puissance au fur et à mesure que la narration s’approche de l’inéluctable drame.
Et la fin du roman, totalement inattendue, nous laisse proprement abasourdis.

Un des romans les plus passionnés, et selon le propre aveu de l’auteur, des plus personnels, dans lequel il a mis tout son cœur. Il voulait écrire sur la politique et les passions amoureuses, étroitement imbriquées dans ce cas, dans ce sud profond, héritier d’une longue tradition d’esclavage et de ségrégation, au plus fort du mouvement pour les droits civiques.
C’est essentiellement une histoire d’amour, sombre et tragique, mais aussi une histoire sur le regret. Nous nous sommes tous posé la question : avec la perspective que donne l’âge, sur la vision des évènements passés, aurions nous fait les mêmes choix ?
C’est l’histoire d’un homme qui se retourne sur sa vie passée, de manière authentique et honnête, pour essayer de comprendre, d’une certaine façon, quelle fut son erreur.

Un excellent cru de Thomas H. Cook que je vous recommande tout particulièrement.

Editions  Seuil Policiers, 2016

Une interview de l’auteur :
https://www.youtube.com/watch?v=PBd66ZdMhD8

 

4ème de couv :

mont-crevecoeur« Qu’allait faire Kelli sur le mont Crève-Cœur ce jour-là ? Qu’allait-elle chercher, seule dans la profondeur de ces bois ? »
Trente ans après le drame, Ben demeure obsédé par l’image du corps de Kelli tel qu’il a été découvert sur la hauteur de ce mont où, jadis, l’on organisait une course de Noirs avant les enchères du marché aux esclaves.
Dans un de ces flash-back troublants que Thomas H. Cook maîtrise à merveille, le lecteur revisite avec Ben, ancien condisciple de la victime devenu médecin de campagne, les événements qui ont bouleversé la petite communauté blanche et conservatrice de Choctaw, Alabama, au mois de mai 1962.
Le meilleur ami de Ben le soupçonne toujours d’en savoir plus qu’il ne l’admet sur l’agression de la jeune beauté venue de Baltimore : Kelli a-t-elle été tuée parce que Todd, le bourreau des cœurs local, avait plaqué sa petite amie pour elle ou parce qu’elle soutenait la cause des Noirs dans le journal du lycée ?

 

L’auteur :
Thomas H. Cook est né en 1947.
Il a été professeur d’anglais et d’histoire ainsi que secrétaire de rédaction au magazine américain Atlanta avant de se consacrer entièrement à l’écriture. Ses romans, réputés pour leur finesse psychologique, privilégient les thèmes des secrets de famille, de la culpabilité et de la rédemption.
Il a reçu en 1997 le prix Edgar Allan Poe pour son roman « Au lieu-dit Noir-étang ».

Thomas H. Cook – Le crime de Julian Wells

Jusqu’à quel point connait-on réellement ses amis?
Avant qu’il ne prenne sa barque et aille ramer jusqu’au milieu d’un lac  pour se trancher les veines, la seule chose remarquable que Julian Wells  laissait à la postérité était une série de livres particulièrement bien documentés sur des criminels célèbres de l’Histoire. Ce suicide, venant mettre fin à une vie sans éclat, cause une vive émotion à sa sœur Loretta, actrice ratée et correctrice, et à son ami Philip, critique littéraire.

 » – Oh, si seulement j’avais été là, mon cher ami.
  –  Oh, si seulement j’avais été là dans la barque auprès de toi.
En sachant ce que je sais aujourd’hui. »
Tout au long du roman, c’est cette question qui va hanter Philip, son mentor et ami. Veuf et sans enfant, il se résout à explorer la vie de son « seul véritable ami » et comprendre « comment se faisait-il,  qu’après un début si flamboyant le monde ait conspiré pour lui réserver une fin si tragique? ».

Pour commencer, deux indices: une carte d’Argentine que Julian examinait le jour de sa mort, et une dédicace obsédante qu’il avait écrite sur son premier livre : « A Philip, seul témoin de mon crime. » Cette dédicace a toujours intrigué Philip, car il n’a pas la moindre idée que de ce son ami entendait par là. En Argentine justement, à Buenos Aires, ils avaient tous deux connu Marisol, une jeune guide touristique, qui avait ensuite mystérieusement disparu lors des jours les plus sombres de la dictature militaire des années 1970 à 1980.

Non content de retracer l’histoire de Julian à travers ses écrits (« ses phrases décharnées d’une sombre concision »), Philip va commencer à voyager sur ses traces,  qui déjà s’estompent, dans tous les lieux où Julian avait séjourné pour recueillir la matière première de ses récits : de Londres à Paris, de Budapest à Rostov sur le Don, et de retour à Buenos-Aires, où ils avaient séjourné ensemble au début des années 80…

Il va rencontrer au cours de ces voyages une succession de personnes douteuses et s’enfoncer plus avant dans un monde ou un rien sépare l’apparence de la réalité.
« C’est la distorsion qui crée la perfection », disait Julian.

Au fur et à mesure de ses investigations, Philip en vient à se demander s’il n’existait pas chez son ami une certaine dichotomie.
“Dans un thriller, ce seraient les autres qui essaieraient de m’empêcher d’en savoir plus… Mais là, on dirait que c’est Julian qui brouille les pistes.”
Et ce crime dont s’accuse Julian, quel peut-il bien être? La conséquence d’une plaisanterie anodine? Le résultat d’un jeu innocent?
« même si c’est par jeu que les enfants tuent les grenouilles, les grenouilles meurent pour de vrai. »
La psychologie des personnages est savamment équilibrée et bien nuancée, avec une narration axée plus sur la psychologie que sur l’action pure.

Les références littéraires sont nombreuses, peut être trop au goût de certains, mais toujours pertinentes, la plus évocatrice étant une description du disparu, au tout début du roman: « Tel Orphée, il avait apporté sa musique aux enfers et, tout comme lui, il était mort dans un monde qui ne souhaitait plus l’entendre. »

A mon avis, Thomas H. Cook ne jouit pas de la renommée que devrait lui conférer son immense talent. Peut-être parce qu’on ne peut le placer dans aucune niche, ni polar, ni thriller, mais ses livres sont beaucoup plus cela. Plus que de la littérature de genre c’est tout simplement de la littérature, où l’auteur utilise avec succès les codes des autres genres pour les intégrer à son œuvre.  Son étude des comportements humains est sans faille. Son écriture et l’analyse de ses semblables sont d’une grande finesse et d’une grande sensibilité, à l’image de l’homme, d’une douceur et d’une amabilité confondantes.

Avec ce « Crime de Julian Wells », nous trouvons un auteur au sommet de son art. Une énigme littéraire, pleine de rebondissements et de mystères, peuplée de personnages profondément humains et aux multiples visages.
Ça n’est pas du « page-turner », ça ne flingue pas à toutes les pages mais, pour qui sait prendre son temps, c’est un excellent roman, un chef d’œuvre d’analyse de toute la complexité de la psychologie et des sentiments humains.
C’est un roman qu’il faut lire, je le recommande chaleureusement.

Éditions du Seuil, 2015

4ème de couv:

crime julian wellsPhilip Anders, critique littéraire, s’interroge : pourquoi son ami l’écrivain Julian Wells s’est-il tranché les veines dans une barque, au milieu de l’étang de sa propriété des Hamptons ? Le suicide est irréfutable, ses raisons impénétrables.

En enquêtant sur leur passé commun ? un voyage en Argentine du temps de la dictature militaire, au cours duquel leur jolie guide Marisol avait disparu ? mais aussi sur l’œuvre de Julian, hantée par des tueurs aussi abominables qu’Erzsébet Báthory, la Comtesse sanglante, ou Tchikatilo, l’Éventreur rouge de Rostov, Anders est confronté à la part d’ombre de celui qu’il admirait tant.

Et si ce suicide n’était pas le seul crime de Julian Wells ?

Thomas H. Cook se révèle plus manipulateur que jamais dans ce roman où les mensonges entre amis et les desseins troubles tissent une toile d’une ambiguïté insoutenable.

L’auteur:

AVT_Thomas-H-Cook_8663Thomas H. Cook est né en 1947.
Il a été professeur d’anglais et d’histoire ainsi que secrétaire de rédaction au magazine américain Atlanta avant de se consacrer entièrement à l’écriture. Ses romans, réputés pour leur finesse psychologique, privilégient les thèmes des secrets de famille, de la culpabilité et de la rédemption.
Il a reçu en 1997 le prix Edgar Allan Poe pour son roman « Au lieu-dit Noir-étang ».
« La preuve de sang » a été adapté au cinéma.

Thomas H Cook – Du sang sur l’autel

Salt Lake city, capitale de « l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des derniers jours », plus connue sous le nom d’Eglise mormone. Une série de meurtres, apparemment sans lien entre eux se produit dans la ville : une prostituée noire, un journaliste, et des membres influents de l’église mormone. Si le meurtre d’une prostituée, noire de surcroit, n’est pas de nature à mettre en émoi la police locale, à majorité mormone, les meurtres suivants vont changer la donne.

Les enquêteurs locaux ne voient pas de lien entre ces crimes, jusqu’à ce que Tom Jackson, fraîchement débarqué de New York, un flic non croyant, appréhende chaque meurtre séparément, en recherchant des indices sur chacune des victimes. Tom vient à se persuader que le crime est lié à cette église, et le comportement de son équipier, un mormon dévot, et de la hiérarchie qui craignent pour la réputation de l’Eglise mormone, ne lui facilitent pas la tâche.

« Derrière le bureau, un grand portrait de Brigham Young. Une caractéristique de Salt Lake. La photo de Young était accrochée dans les restaurants, les magasins de vêtements, d’alimentation, les cafés. Version Salt Lake du culte de la personnalité. Au début, Tom avait trouvé cela intéressant, mais au fil des années, il en avait été agacé et considérait que c’était une chose supplémentaire qu’il n’aimait pas à Salt Lake. Il s’aperçut qu’il avait ignoré être dépourvu de foi jusqu’au jour où il était allé dans un endroit où la foi était tout ».

Tom est hanté par une vieille affaire de meurtre. Son vieil équipier Gentry et lui, n’ont pu arrêter le coupable. C’est pour lui une blessure à vif, toujours présente à son esprit. En butte à l’hostilité des témoins qui voient davantage en lui un ennemi qu’un policier, il a beaucoup de mal à recueillir des indices et des témoignages. Mais peu à peu, son opiniâtreté, son empathie envers les victimes auront raison de toutes les méfiances. Face à son désir de justice, l’inertie qu’il ressent dans les rouages de la police, l’incite à enquêter tout seul de son côté.

« Un instant il pensa à Gentry, à la manière dont le vieillard lui avait fait signe de la main sous un réverbère, lui disant au revoir le soir où il avait quitté New York pour Salt Lake City.
– Tu vivras seul toute ta vie, Tom, l’avait prévenu Gentry. Et toute ta vie, tu auras horreur de ça. »

La narration est faite de manière alternée, entre les chapitres consacrés à l’enquête et ceux écrits du point de vue du tueur. Quelles sont ses motivations, et à quelle logique obéit-il ? Au fur et à mesure du récit, l’auteur nous dispense quelques indices qui nous feront avoir assez tôt une idée sur le but qu’il poursuit et son identité.

L’intérêt du roman ne réside pas dans l’enquête elle-même, qui se déroule sur un schéma assez linéaire et ne réserve que peu de surprises. Thomas H. Cook a un don certain pour nous composer une atmosphère prenante, oppressante, peuplées de personnages complexes et tourmentés. Il nous propose l’analyse du tissu social de Salt Lake City, où l’église mormone pèse de son influence à tous les niveaux de la société. C’est une étude intéressante sur la puissance des dogmes et des traditions, et de l’incapacité à remettre en question des croyances et un certain mode de vie et de pensée.

D’une très belle écriture, simple et sans artifices, Thomas H. Cook nous guide dans les méandres de « l’Eglise de Jésus Christ des Saints des derniers jours », de ses croyances et de ses contradictions.

Dès ce troisième roman, l’auteur fait preuve d’une maturité étonnante et laisse entrevoir de réelles possibilités, qui s’avèreront confirmées par ses romans suivants.
A tous points de vue, un excellent moment de lecture.

C’est la réédition (avec une traduction revue) d’un roman de 1983 et paru en France en 1985, à la Série Noire, maintenant aux éditions du Seuil, en format poche. Thomas H. Cook, déjà édité en France au début des années 80 avec d’excellents romans, connaît ces dernières années un regain de popularité publique et critique.

4ème de couv.

Du sangUn dément sévit à Salt Lake City, capitale économique et religieuse des mormons. Une prostituée noire, un journaliste puis des personnalités de la communauté sont assassinés. Tom Jackson, le détective chargé de l’enquête, découvre qu’une affaire semblable avait secoué cette ville au XIXe siècle : des meurtres en série perpétrés par un mormon fanatique qui refusait l’entrée des Indiens dans l’Église. Aujourd’hui celle-ci s’apprête à accepter les Noirs. Et si le meurtrier se cachait au sein du temple mormon ?

 

L’auteur :

Thomas H. Cook est né en 1947.
Il a été professeur d’anglais et d’histoire ainsi que secrétaire de rédaction au magazine américain Atlanta avant de se consacrer entièrement à l’écriture2. Ses romans, réputés pour leur finesse psychologique, privilégient les thèmes des secrets de famille, de la culpabilité et de la rédemption.
Il a reçu en 1997 le prix Edgar Allan Poe pour son roman « Au lieu-dit Noir-étang ».
« La preuve de sang » a été adapté au cinéma.