Antonin Varenne – Équateur

Ce roman, sans être une suite, s’inscrit dans la continuité de «Trois mille chevaux vapeur ».
Etats-Unis, 1871 : en pleine guerre de sécession, Pete Ferguson déserte, en compagnie de son frère Oliver. Dans leur fuite, ils trouvent refuge au ranch Fitzpatrick d’Arthur Bowman et d’Alexandra Desmond. Accusé de vol et de meurtre, Pete est à nouveau contraint de fuir.
Dans sa fuite, des plaines du Grand Ouest jusqu’à la forêt amazonienne, il sera tout à tour tueur de bisons, membre d’un groupe de comancheros, tueur à gages, apprenti révolutionnaire et même chercheur d’or.

 « L’équateur… ?
– La ligne que tu passes pour te retrouver du côté de la terre où on marche à l’envers. Là-bas, l’eau remonte les rivières et le vent souffle de la terre. Les pyramides tiennent en air sur leur pointe et » le sang te monte à la tête. Tes pieds touchent à peine le sol, il faut charger tes poches avec des cailloux pour ne pas glisser. Il faut traverser le Mexique et un tas d’autres pays avant d’y arriver, du côté du cap Horn que les bateaux doublent pour faire le tour du continent et remonter jusqu’à San Francisco. Le cap Horn est juste au bord de l’équateur, et c’est pour ça qu’il y a là-bas les pires tempêtes, parce que l’océan, juste après, tombe par-dessus l’équateur. Une cascade cent fois plus haute que celle du Niagara. »

Au Guatemala, il va faire échouer une tentative de coup d’état, et rencontrer à cette occasion Maria, une énigmatique indienne Xinca. Associés par obligation, ce duo mal assorti continue son voyage vers le sud, vers cet équateur mythique où, disait Mac Rae le tueur de bisons, les pyramides flottent sur leur pointe, et où pourraient s’inverser les forces qui régissent le monde.

Antonin Varenne nous conte le destin d’un homme otage de ses mauvais choix, prisonnier des souvenirs d’un passé qu’il a du mal à accepter. Témoin du suicide de son père par pendaison, il se reproche de n’avoir pu, ou voulu l’empêcher. Alors que peut-être, une parole ou un geste de sa part auraient suffi pour le dissuader.
Lors de son passage en Guyane Française, il va se poser quelque temps dans une communauté, qui exploite une concession aurifère en marge du bagne de Cayenne.
Là il va rencontrer le Marin, au corps recouvert de tatouages, à qui il demande de graver sur son corps l’histoire de sa vie, un arbre porteur des noms des personnes qui ont compté pour lui.

« – Une racine, avait expliqué Pete au Marin, je voudrais une racine qui me retienne au sol partout où je serai, parce que je n’ai plus de chez moi. Que ça monte jusqu’à ma tête, pour que je n’oublie pas que je vais quelque part sur terre, même si je ne fais que marcher. »

La réalisation de ce tatouage immense, de la pointe de l’orteil jusque sur le haut du corps, au prix de pas mal de souffrances, sera pour lui une catharsis, lui permettant de faire le point sur son existence et de trouver son chemin vers la paix de l’âme et peut-être sa rédemption.

Antonin Varenne est un magnifique conteur qui sait en quelques mots recréer la magie d’un lieu, d’un moment, d’une émotion. Les personnages, bons ou mauvais, qui peuplent les paysages grandioses de ce roman ont tous une dimension très humaine. Sous nos yeux prend vie tout un monde d’aventuriers, cow-boys, écrivains idéalistes, révolutionnaires, anciens bagnards reconvertis en orpailleurs…

Intercalées entre les chapitres, de longues lettres écrites par Pete dans un carnet, où il imagine ce que pourraient lui dire ses proches, viennent apporter un éclairage plus nuancé sur son personnage et son rapport avec les autres. Sa dernière lettre à Maria est une véritable déclaration d’amour à tous ceux qu’il a peu, ou mal aimés.

Il s’inscrit dans la tradition des grands auteurs du roman d’aventures, tels Fenimore Cooper, R.L. Stevenson ou encore Joseph Conrad. Il nous entraîne, à la suite de Pete et de Maria l’indienne Xinca, dans un extraordinaire voyage, aux multiples rebondissements, dont on ne voudrait jamais voir venir la fin, tellement on s’attache à ses héros. Pete Ferguson et Maria, après être descendus au fin fond de l’abîme, trouveront en eux assez de force et d’amour pour essayer de vivre, enfin… et laissent une porte entr’ouverte à une possible suite.
J’en salive d’avance…
Un très grand roman, en vérité !

Éditions Albin-Michel, mars 2017
Merci à la Masse Critique de Babelio de m’avoir attribué ce roman.

4ème de couv:

equateurUSA. 1871. Pete Ferguson est un homme en fuite. Il a déserté l armée durant la guerre de Sécession, est recherché pour meurtre dans l Oregon, pour vol et incendie dans le Nebraska.

Sous le nom de Billy Webb, il est embauché par des chasseurs de bisons qu il quitte après un différend sanglant. Il croise alors la route de Comancheros qu il suit jusqu au Mexique, d où il s embarque pour le Guatemala… Quoi qu il fasse, où qu il aille, Pete attire les problèmes et fait les mauvais choix. La violence qui l habite l éloigne toujours plus de ceux qu il aime : son frère Oliver, resté au ranch Fitzpatrick avec Aileen, Alexandra et Arthur Bowman.
C’est une femme qui changera son destin, une Indienne Xinca chassée de sa terre natale. Pour la sauver, il fera échouer une tentative de coup d état. Ensemble, ils iront jusqu à l équateur dont Pete a fait son graal et où il pense que les forces régissant ce monde s inverseront enfin.


L’auteur:
Après une maîtrise en  philosophie, Antonin Varenne parcourt le monde : Islande, Mexique… la Guyane et l’Alaska sont les deux derniers pays en date qu’il a découverts. Avec Fakirs (2009), il reçoit le Grand Prix Sang d’encre ainsi que le Prix Michel Lebrun, puis le  prix Quais du Polar /20 Minutes avec Le Mur, le Kabyle et  le Marin (2011). En 2014 est sorti Trois mille chevaux vapeurs chez Albin Michel, un grand roman d’aventures.

 

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Antonin Varenne – Trois mille chevaux-vapeur

10527378_915292925153293_562678124336433253_n4ème de couv.

Le sergent Bowman appartient à cette race des héros crépusculaires qui traversent les livres de Conrad, Kipling, Stevenson… Ces soldats perdus qui ont plongé au cœur des ténèbres, massacré, connu l’enfer, couru le monde à la recherche d’une vengeance impossible, d’une improbable rédemption.

De la jungle birmane aux bas-fonds de Londres, des rives de l’Irrawaddy à la conquête de l’Ouest, ce roman plein de bruit et de fureur nous mène sans répit au terme d’un voyage envoûtant, magnifique et sombre.

Antonin Varenne, l’auteur de Fakirs, renoue avec la lignée disparue des grands écrivains d’aventures et d’action. Une réussite qui marquera.

Ce que j’en pense :

1852 : Au cœur de la jungle birmane, le sergent Bowman est choisi pour constituer un groupe de dix hommes chargés d’une mission secrète. Ils sont faits prisonniers lors de cette mission. Six ans plus tard, on retrouve Bowman à Londres, officier de police, en proie à de terribles cauchemars que seuls la drogue et l’alcool lui permettent de tenir à distance. Lors de la vague de canicule qui s’abat sur Londres en 1858, Bowman découvre un cadavre mutilé, portant les mêmes blessures que lui et ses compagnons de captivité ont subies en Birmanie. Il est convaincu que le responsable de ces meurtres ne peut être qu’un de ses 10 compagnons. A partir de là va commencer une quête qui va le mener sur les traces de ce tueur insaisissable, vers le nouveau monde en suivant la pistes des pionniers à la conquête de l’Ouest.

Le sergent Bowman est un personnage torturé, en quête de justice, mais également de sa propre rédemption, car il s’estime responsable des actes de ces hommes qu’il a entraîné dans cette mission.

Je ne ferai pas preuve d’originalité en disant que ce livre est un magnifique roman d’aventures qui m’a captivé de bout en bout. La référence de l’éditeur à propos de Conrad, Kipling et Stevenson n’est pas usurpée, tant ce roman s’inscrit dans un souffle épique et romanesque. D’une écriture et d’un style très imagé, peuplé de personnages très marquants, tels le Prêcheur, John Doe le métis, le jeune Fitzpatrick et Alexandra Desmond nous accompagneront longtemps après avoir tourné la dernière page de ce roman.

Incontestablement une grande réussite et un de mes coups de cœur pour 2014.

Antonin Varenne – Le mur, le kabyle et le marin

562838_728400457175875_222697924_n4ème de couv.

Le vieux approchait. Le Mur accéléra pour le croiser à la hauteur du parking souterrain. Tape pas trop fort George, ne va pas le tuer, l’ancêtre, reste calme. Bendjema s’arrêta et se redressa. Qu’est-ce qu’il fout, bordel ? s’inquiéta le boxeur en ralentissant.

C’était un sac d’os. Autour des yeux, au-dessus des pommettes hautes, des rhizomes de rides profondes.
Les lèvres de l’Arabe tremblèrent :
– Qui vous envoie, monsieur ?
Crozat était pétrifié. Une fatigue centenaire embrumait le regard du vieux.

– Vous ne savez pas ? Si vous voulez, je peux vous expliquer. Depuis le tabassage d’Alain Dulac, je savais que je serais le suivant.
– Vous avez une arme dans votre poche ?
– J’ai bien plus que cela, monsieur, j’ai une guerre.»

Ce que j’en pense:

Antonin Varenne nous propose un roman alterné, où les 2 protagonistes évoluent à des époques différentes :

1957 : Pascal Vérini, appelé en Algérie et affecté par mesure disciplinaire dans un DOP (Dispositif Opérationnel de Protection), en réalité une unité chargée d’interroger des individus de tous âges et de leur arracher les renseignements par la torture.
Ces deux trajectoires finiront par se retrouver dans le temps présent, offrant à chacun d’eux une possibilité de justice et de rédemption.

2009 : Georges Crozat, dit « Le Mur », boxeur vieillissant, « presque pas flic », qui continue à boxer pour arrondir ses fins de mois et se payer des prostituées, et finit par accepter des contrats pour tabasser les personnes qu’on lui désigne.

Un roman coup de poing, très noir, qui dès le premier chapitre vous accule dans les cordes et ne vous laisse plus un moment de répit, jusqu’à son épilogue ou vous vous retrouvez sonné pour le compte.

Admirablement bien écrit, cette période de la guerre d’Algérie est très bien décrite, avec les excès de l’un et de l’autre camp, les interactions entre les anciens tortionnaires, la politique, les réseaux d’influence.

Plus qu’un roman noir, ce roman est un vibrant hommage de l’auteur à son père qui a connu et subi, comme toute une génération de jeunes Français à l’époque des «évènements d’Algérie », le traumatisme d’une guerre qui ne voulait pas dire son nom.

J’ai beaucoup aimé ce roman, une de mes meilleures lectures pour 2013.

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