Sandrine Collette – Les larmes noires sur la terre

La jolie Moe a quitté Tahiti pour suivre Rodolphe en métropole. Elle imaginait la ville, les lumières et la fête, loin de l’avenir étriqué que lui réservait son île.
Une fois arrivée « au pays », la réalité s’avère toute autre. En fait de ville et de lumières, elle se retrouve là où la campagne commence, dans une maison sombre et humide. De princesse exotique  qu’elle était là bas, elle est ici rejetée au rang d’indésirable.  Pour Rodolphe et ses proches elle est la « colorée », la « taïpouet », entre autres amabilités.  La vie même avec Rodolphe n’a rien de romantique. Après son travail, abruti de fatigue et d’alcool, il  s’endort devant la TV.
Sa grand-mère est hébergée chez eux, une vieille carne, clone de « Tatie Danielle »,  qui joint ses reproches à ceux de Rodolphe. Entre les ménages que fait Moe à l’extérieur pour gagner un peu d’argent,  et les soins donnés à la vieille, toilettes et escarres, le temps s’écoule, d’une lugubre monotonie.
Pour échapper à ce quotidien, et devant le peu d’intérêt que lui manifeste son compagnon, Moe commence à sortir le soir, fréquente les bals, jusqu’à se retrouver enceinte d’un amant de rencontre.  Avec la naissance de l’enfant, Rodolphe ajoute la violence physique à la violence verbale et après les insultes, viennent les coups.

Moe quitte alors la maison pour aller habiter chez Réjane, la fille d’une dame chez qui elle faisait des ménages. Au bout de quelques semaines,  Moe n’ayant toujours pas trouvé de travail, Réjane la met dehors. Sa descente aux enfers se poursuit, jusqu’au soir où, simplement pour trouver un abri pour elle et son enfant, elle se réfugie aux urgences de l’hôpital. Elle voulait seulement se mettre au chaud pour quelques  heures. C’est là que les services sociaux vont les prendre en charge, pour les placer d’office dans un centre d’accueil.

« Vous qui entrez ici, laissez toute espérance ».
Ces quelques mots de la Divine comédie de Dante illustrent fort bien ce qui attend Moe et son enfant. La « ville-Casse », emplacement 2167. C’est là, au milieu de carcasses de voitures, que se retrouvent Moe et son enfant, dans ce centre d’accueil social. Leur logement est une épave de Peugeot 306, dont les portes ne sont pas verrouillées, laissant leurs maigres possessions à la merci des chapardages.

« Avec tout ce qu’on fait pour les gens comme vous, et jamais d’efforts, et jamais de reconnaissance, quand son tour arrive, elle ne dit rien pour ne pas fâcher la dame de mauvaise humeur, juste bonjour, c’est tout. La grosse l’observe par en dessous. Moe ne sait pas encore qu’ici les habitants la haïssent. L’appellent la Chiasse, parce qu’ils racontent qu’un jour elle s’est tant mise en rage contre des nouveaux arrivants qu’elle s’en est fait dessus, rouge et violette et noire de fureur, avec cette méchanceté dans le sang, à ne pas croire, une teigne, une hargneuse, cette femme-là. »

Centre d’accueil ou bien prison ? La différence n’est pas si grande. Pour subvenir à leurs besoins, et payer leur loyer les résidents sont obligés de travailler dans une entreprise de maraîchage voisine pour un salaire horaire de 80 centimes d’Euro.

Là elle rencontre d’autres femmes à qui la vie n’a pas fait de cadeau : Ada la vieille afghane, à qui le statut  d’herboriste et aussi de guérisseuse vaut de vivre à peu près tranquille dans ce camp, et de bénéficier d’une certaine protection pour  sa « famille ». Il y a Poule, rescapée des attentats de 2015 où son mari a été tué, et échouée ici après une longue errance dans toute l’Europe avec sa roulotte.
Jaja l’arabe, enfant maltraitée, abandonnée par sa mère aux soins de sa grand-mère, qui finira par fuir la maison, pour suivre une troupe de cirque, goûter à la drogue, finir par faire la « mule » et se retrouver emprisonnée en Thaïlande. Marie-Thé, l’Haïtienne, adoptée à l’âge de 6 ans par un couple de bourgeois Français, dans le seul but d’en faire leur bonne à tout faire, ce qu’elle sera pendant plus de dix ans.
 Nini Peau de chien, qui arrondit son pécule en se prostituant pour 3 euros la passe, dans l’espoir d’amasser assez d’argent pour pouvoir  quitter le camp. Toutes vont accueillir Moe et son enfant dans leur communauté.

Dans cet univers sordide d’une rare violence, fait de misères physiques et morales, ces femmes exploitées, démunies de tout, vont retrouver le sentiment d’appartenance à une famille, sur laquelle veille la vieille Ada. Au milieu de toute ce triste quotidien, le simple partage de rochers au chocolat prend des allures de fête et les emplit d’une joie enfantine et immense.
« L’orage les met à nu et les exhibe, quand les gardiens passent à côté ils regardent. Et elles superbes dans leur fierté si vulnérable, tête haute et les yeux ailleurs, repliées sur elles ces dangereuses silhouettes de femmes, les tentatrices, les salopes, c’est ce qu’ils disent quand ils en déshabillent une, elles savent qu’il faut rester ensemble, s’ils s’approchent elles crieront, des hurlements à casser les pare-brise des épaves, ils n’oseront pas. »

Ce centre aux allures de prison fonctionne selon un système de quasi-esclavage moderne. Les résidents travaillent dans les champs pour 6,40 euros par jour. Pour quitter le centre, ils doivent s’acquitter d’un droit de sortie de 15000€, une somme astronomique que peu d’entre eux auront la chance de pouvoir réunir.

Au travers de ces magnifiques portraits de femmes, inoubliables et attachantes, dont les trajectoires  individuelles forment la trame de ce roman, l’auteur brosse un portrait bien pessimiste de notre société : travail forcé, racket ou prostitution à la chaîne, tels sont les maux auxquels elles sont confrontées.  Et dans toute cette noirceur, peuvent malgré tout poindre  ça et là quelques fugaces lueurs d’espoir, vite mouchées par la réalité du quotidien.

Pour ce roman, l’auteure s’est inspirée de personnages qu’elle a croisés dans sa vie. Elle leur rend hommage, d’une plume magistrale, dans cette histoire extrêmement dure, d’un noir absolu.
C’est un roman d’anticipation qui a le mérite de donner un coup de projecteur sur des réalités déjà existantes, et qui nous met en garde contre des dérives toujours possibles de notre société.

D’une grande force émotionnelle, qui vous laisse une sensation d’inconfort et un zeste de mauvaise conscience, c’est un roman absolument bouleversant.
Pour moi le premier coup de cœur de cette année 2018.
Je recommande chaudement !

Éditions Denoël, 2017.

4ème de couv:

Il a suffi d’une fois. Une seule mauvaise décision, partir, suivre un homme à Paris. Moe n’avait que vingt ans. Six ans après, hagarde, épuisée, avec pour unique trésor un nourrisson qui l’accroche à la vie, elle est amenée de force dans un centre d’accueil pour déshérités, surnommé «la Casse». 
La Casse, c’est une ville de miséreux logés dans des carcasses de voitures brisées et posées sur cales, des rues entières bordées d’automobiles embouties. Chaque épave est attribuée à une personne. Pour Moe, ce sera une 306 grise. Plus de sièges arrière, deux couvertures, et voilà leur logement, à elle et au petit. Un désespoir. 
Et puis, au milieu de l’effondrement de sa vie, un coup de chance, enfin : dans sa ruelle, cinq femmes s’épaulent pour affronter ensemble la noirceur du quartier. Elles vont adopter Moe et son fils. Il y a là Ada, la vieille, puissante parce qu’elle sait les secrets des herbes, Jaja la guerrière, Poule la survivante, Marie-Thé la douce, et Nini, celle qui veut quand même être jolie et danser. 
Leur force, c’est leur cohésion, leur entraide, leur lucidité. Si une seule y croit encore, alors il leur reste à toutes une chance de s’en sortir. Mais à quel prix? 

L’auteure:

Sandrine Collette  est Française, née à Paris en 1970 . Docteur en Sciences politiques, Elle partage sa vie entre l’université de Nanterre et son élevage de chevaux dans le Morvan.
Ses romans parus à ce jour sont :
Des nœuds d’acier – Grand prix de littérature policière 2013,
Un vent de cendres (2014)
Six fourmis blanches (2015)
Il reste la poussière
  (2015) Prix Landerneau du polar 2016

Sandrine Collette – Il reste la poussière

La steppe de la Patagonie argentine.
« Sur ces prairies d’herbe rongée, des clôtures de barbelés parcellaient les milliers d’hectares où les troupeaux vaquaient inlassablement, cherchant de quoi manger et parcourant des kilomètres pour survivre. La lande à perte de vue, aride et plate, si sèche que les arbres l’avaient désertée, remplacés vaille que vaille par quelques bosquets chétifs dont personne ne savait comment ils pouvaient subsister avec aussi peu de terre. »

Une estancia, dans laquelle vit une famille, la mère, et ses 4 enfants : les jumeaux Mauro et Joaquín, Steban le « débile », et le petit dernier Rafael. Point d’amour dans cette famille. Leur vie toute entière est vouée au travail de la ferme : la culture de la terre, l’élevage et la tonte des moutons, le seul élevage à pouvoir prospérer sur cette plaine austère. Les relations familiales sont marquées par la violence et la haine.
Il n’y a pas de père dans le tableau. C’était un bon à rien, paresseux et ivrogne, qui est parti peu avant la naissance de Rafael.

« — Tu vois le chemin ? Il est parti là-bas. Au bout, tout au bout. On ne le voit plus. Il ne reviendra pas. » – leur avait dit la mère. En réalité, comme le lecteur l’apprendra assez vite, un soir, après une dispute de trop, elle a laissé libre cours à des années de colère et de rancœur accumulées et l’a tué. Elle a ensuite chargé le corps sur un criollo et a été l’enterrer dans la plaine.
Cette nuit-là, Steban, âgé de 4 ans, a vu sa mère emporter le corps inanimé de son père, sur son cheval aux flancs tachés de sang. Il s’est depuis muré dans le silence. Ses aînés l’appellent « le muet » ou « le débile ».

« Peut-être que cela couvait depuis des années, cette rage qui sortait toute seule, sans qu’elle y pense, cette furie qui la prenait soudain, à se demander si elle n’attendait pas que ça, et les couinements du père là-dessous, qu’il n’avait rien à dire celui-là, qu’à se taire, et elle frappait encore et encore. Et peut-être était-ce à la fin le coup qu’elle lui avait mis dans la gorge avec la pointe de sa botte, la fureur de voir sa vie détruite, ses moutons et ses bœufs vendus en bouteilles de gnôle depuis des années : elle ne s’était arrêtée que quand il n’avait plus bougé.
Et il n’avait plus jamais bougé. »

Rafael, le petit dernier, est le souffre-douleur de ses frères aînés, qui passent leur temps à le maltraiter et à le brutaliser. Depuis sa naissance, la place qu’il occupe paraît grappillée aux autres, une surcharge de plus pour la mère déjà seule.
Dès qu’ils sont en âge de monter à cheval, le jeu favori des grands est de se saisir de leur frère et de l’emporter, au galop de leurs chevaux. En grandissant, ils corsent un peu le jeu, dans une variante argentine du « bouzkachi » afghan.
« Bien sûr, tout le printemps, Mauro, Joaquin et même Steban attrapèrent le petit, le soulevèrent, se le passèrent de main en main au galop de leurs chevaux. Le jetèrent au milieu du buisson griffu en s’exclamant, tordus de rire sur leurs selles. Il ne disait rien. Attendait sa revanche, et pas qu’un peu, quand il s’envolerait sur son incroyable criollo. »
Et quelle tendresse peut-il attendre de la mère, femme sévère, inflexible et mutique, arrivée jeune fille dans cette estancia et obligée de la tenir à bout de bras, avec l’aide de ses fils ?

« Elle les déteste tout le temps, tous. Mais ça aussi, c’est la vie, elle n’a pas eu le choix. Maintenant qu’ils sont là. Parfois elle se dit qu’elle aurait dû les noyer à la naissance, comme on le réserve aux chatons dont on ne veut pas ; mais voilà, il faut le faire tout de suite. Après, c’est trop tard. Ce n’est pas qu’on s’attache : il n’est plus temps, c’est tout. Après, ils vous regardent. Ils ont les yeux ouverts. »

A intervalles réguliers, la mère se rend à San León, la ville voisine, pour faire des achats, payer les fournisseurs, et passer à la banque voir l’état de ses finances. Ensuite, elle va au bar et passe la soirée entière à boire jusqu’à l’ivresse et jouer au poker. Un jour, dans une spirale autodestructrice, elle va jouer, jusqu’à miser et perdre Joaquín, l’un des jumeaux. Mauro, le jumeau restant va vivre cette séparation comme un déchirement. A partir de là, l’histoire déjà glauque, va s’accélérer et prendre un tour un peu plus tragique.
Dans l’immensité des plaines argentines se joue un drame, aux accents de tragédie antique. Un huis clos, au milieu de la pampa, dont les acteurs sont  les membres de cette famille qui se jalousent et se détestent.
La psychologie des personnages et d’une force peu commune: La mère, dont le nom n’est jamais prononcé, reste murée dans sa carapace de froide indifférence. Mauro, l’aîné des jumeaux, un condensé de force et de violence incontrôlables, efface complètement son double Joaquín. Steban, le « débile », est un peu plus fin qu’il n’y paraît. Rafael, le petit dernier, maltraité à l’excès, est le fil conducteur, le personnage central, de l’histoire.
Comment passer sous silence les chevaux criollos, rustiques et endurants compagnons des gauchos des plaines d’Argentine. Omniprésents dans le roman, ils sont le lien entre les personnages et la terre qu’ils parcourent, de l’aube au crépuscule. L’auteure, qui en connaît un rayon en matière de chevaux, les dépeint avec infiniment de réalisme, de poésie et d’amour.

Sandrine Collette signe là un hymne à la nature sauvage, à cette pampa argentine si exigeante avec ses occupants et si belle dans sa désolation. Elle vous happe dès le début et ne vous lâche plus, jusqu’au dénouement. C’est un magnifique roman où se mêle toute la palette des sentiments humains, une fresque familiale sans concession où le sordide côtoie le sublime…

Comment ne pas aimer Rafael? Ce jeune garçon qui, au milieu de cette noirceur et cette violence, éclaire le récit d’une lumière d’espoir.
Un excellent moment de lecture, un vrai coup de cœur.

Editions Denoël, 2015

4ème de couv:

il-reste-la-poussierePatagonie. Dans la steppe balayée de vents glacés, un tout petit garçon est poursuivi par trois cavaliers. Rattrapé, lancé de l’un à l’autre dans une course folle, il est jeté dans un buisson d’épineux.
Cet enfant, c’est Rafael, et les bourreaux sont ses frères aînés. Leur mère ne dit rien, murée dans un silence hostile depuis cette terrible nuit où leur ivrogne de père l’a frappée une fois de trop. Elle mène ses fils et son élevage d’une main inflexible, écrasant ses garçons de son indifférence. Alors, incroyablement seul, Rafael se réfugie auprès de son cheval et de son chien.
Dans ce monde qui meurt, où les petits élevages sont remplacés par d’immenses domaines, l’espoir semble hors de portée. Et pourtant, un jour, quelque chose va changer. Rafael parviendra-t-il à desserrer l’étau de terreur et de violence qui l’enchaîne à cette famille?

L’auteure:
Sandrine Collette  est Française, née à Paris en 1970 . Docteur en Sciences politiques, Elle partage sa vie entre l’université de Nanterre et son élevage de chevaux dans le Morvan.
Ses romans parus à ce jour sont:
Des nœuds d’acier – Grand prix de littérature policière 2013,
Un vent de cendres (2014)
Six fourmis blanches (2015)
Il reste la poussière
– Prix Landerneau du polar 2016

 

 

Sandrine Collette – Six fourmis blanches

Mathias, solide montagnard d’une quarantaine d’années, gravit la montagne, une chèvre sur ses talons. En bas, dans la vallée, les gens suivent son ascension. A l’approche du sommet, il prend la chèvre à bras le corps, et ensemble ils terminent l’ascension. Il lui chuchote quelques mots, et d’un coup, il jette la chèvre dans le vide depuis le haut de la falaise.
Mathias est un sacrificateur. Il a « le don », celui de savoir quelle chèvre choisir pour le sacrifice, la chèvre dont le sacrifice attirera sur ceux qui l’ont commandé, le pardon où les bonnes grâces des esprits de la montagne. Naissances, mariages, autant d’occasions pour le sacrificateur d’exercer son art.
« Je suis un tueur de chèvres, et personne ne sait comme moi repérer une bête, l’isoler, l’emmener jusque-là où elle doit aller. Ceux qui se battent avec elles du début à la fin me haïssent pour cela : d’une certaine façon, elles me font confiance. Cherchent mes caresses jusqu’au moment où je les trahis, et où je les soulève pour les jeter dans l’abîme, comme le grand-père m’a appris, fermant mon cœur et mes oreilles. Alors je sais que cela valait la peine de mettre des heures, des jours à les choisir. Et qu’une fois encore je ne me suis pas trompé. »
Mais un jour, tout bascule. Carche, le vieux chef de la mafia locale veut imposer à Mathias son petit-fils comme apprenti. Mathias ne perçoit chez lui aucune disposition pour cette charge, mais on ne refuse rien au vieux Carche. C’est donc contraint et forcé qu’il emmène le jeune homme avec lui pour sa première expérience. Quelques jours plus tard, lors du sacrifice suivant,  il revient, porteur du corps brisé de l’apprenti qui a fait une chute mortelle. Le vieux met un contrat sur sa tête, et Mathias est obligé de fuir à travers la montagne pour tenter de sauver sa vie.

Lou, avec son fiancé Elias et quatre amis ont décidé de s’offrir quelques jours  de trekking dans les montagnes albanaises. Ils sont accompagnés dans leur périple par un guide local, Vigan, brun ténébreux à la gueule burinée de montagnard. Néophytes de la montagne, dès les premières heures, ils se rendent compte que ce voyage n’aura rien d’une promenade de santé, et leurs corps peu habitués au grand air et à l’effort soutenu que demande la montagne atteindront vite leurs limites.
« L’air vif, la fatigue, les vertiges quelquefois, saoulés comme si nous respirions trop fort… »  «  La journée se décompose en quatre, cinq morceaux qui donnent un drôle de sentiment d’éternité, en boucle, et tout recommence chaque fois, la marche, la pause, les raisins secs ou les biscuits, l’eau, le thé. Les sacs pèsent lourd sur nos épaules, mais n’est-ce pas ce que nous voulions, bivouaquer et nous sentir libres, avec le poids des tentes et de la nourriture nous sciant le dos tout en nous promettant un week-end hors du temps. »

Ce roman est conté à deux voix : nous suivons les aventures de Mathias et de Lou en parallèle. Mathias dans sa fuite éperdue devant les sbires de Carche, à pied à travers la montagne, empruntant les torrents glacés pour semer les chiens lancés sur sa trace. Personne n’ose contrarier les desseins du vieux patriarche et Mathias se retrouve seul, face aux éléments.
Lou et le groupe de randonneurs vont bien vite se trouver confrontés à la dure réalité de la montagne, la neige, le froid  et  l’altitude. Une cordée de six fourmis sur la neige, si petites dans cette immensité, soumises aux éléments déchaînés. Bientôt viendra la première avalanche, premier signe de la tempête de neige qui va s’abattre sur leur groupe. Et la sensation pesante d’une présence maléfique, qui les suit…

Je me suis davantage attaché au personnage de Mathias, complexe et mystérieux. Lui et les montagnards de sa vallée ont une vie plus fruste, pleine de croyances et de superstitions, mais infiniment plus riche que celle de Lou et des membres de son groupe, parfaits citadins, lancés sans aucune préparation dans un projet qui les dépasse, et complètement passifs devant l’adversité.
L’auteure nous fait ressentir de façon aigüe, et avec beaucoup de réalisme, la rigueur des conditions atmosphériques dans lesquelles se déroule cette expédition. Le suspense  bien maintenu, nous tient en haleine, attentifs que nous sommes au sort de Mathias, de Vigan et du groupe de randonneurs.
Tous les rouages de la mécanique dramatique finiront par s’enclencher pour nous réserver un dénouement plein de surprises.
Sandrine Collette, avec une écriture simple et sans artifices, nous gratifie d’un roman diablement efficace.  Un très bon moment de lecture, un peu dans la veine des « Dix petits nègres » d’Agatha Christie, dans une ambiance de surnaturel et de mystère, qui vous donne plutôt envie de rester au coin du feu, que d’aller vous balader en montagne.

Editions Denoël, Sueurs froides, 2015

 

Six fourmis.4ème de couv :
Dressé sur un sommet aride et glacé, un homme à la haute stature s’apprête pour la cérémonie du sacrifice. Très loin au-dessous de lui, le village entier retient son souffle en le contemplant.
À des kilomètres de là, partie pour trois jours de trek intense, Lou contemple les silhouettes qui marchent devant elle, ployées par l’effort. Leur cordée a l’air si fragile dans ce paysage vertigineux. On dirait six fourmis blanches…
Lou l’ignore encore, mais dès demain ils ne seront plus que cinq. Égarés dans une effroyable tempête, terrifiés par la mort de leur compagnon, c’est pour leur propre survie qu’ils vont devoir lutter.

 

L’auteure :

Collette-Sandrine-1Sandrine Collette, est une auteure française, née à Paris en 1970.
Elle est docteur en Sciences politiques.
Elle partage sa vie entre l’université de Nanterre et son élevage de chevaux dans le Morvan.
« Des nœuds d’acier » (Denoël, 2013) est son premier roman. Il obtient le Grand Prix de littérature policière 2013.
En 2014, elle publie son second roman: « Un vent de cendres » (chez Denoël) qui revisite le conte La Belle et la Bête, « Six fourmis blanches » en 2015 et « Il reste la poussière » en 2016.