Jeffery Deaver – L’homme qui disparaît

Mon ressenti:

« L’homme qui disparaît » est la cinquième enquête mettant en scène le criminologue quadriplégique Lincoln Rhyme et sa compagne Amelia Sachs. Des meurtres sont commis, dont le modus operandi imite à la perfection de célèbres numéros de magie. Une jeune étudiante d’une école de musique est assassinée, et son meurtrier s’évade d’une salle de classe, fermée à clé et sans issue. Notre couple de limiers va se retrouver devant un adversaire de taille. Les indices qu’il laisse sont laissés à dessein pour aiguiller les enquêteurs dans une mauvaise direction. « Le manipulateur », comme ils l’ont surnommé n’a pas fini de leur donner du fil à retordre. Heureusement une jeune magicienne surdouée, Kara, viendra leur apporter son aide.

houdini_handcuff_posterLes meurtres suivants, comme autant de tableaux composés à leur intention font montre que derrière ces meurtres, il y a une volonté malfaisante, un homme, « Le Manipulateur ». Il est d’autant plus dangereux qu’il est passé maître dans l’art de l’escapologie et de la mystification. Kara va apporter à l’équipe sa vision d’une personne familière de ce monde-là, leur apprendre à penser et à voir différemment.

« Parce que les grandes illusions requièrent plus qu’une technique. Les illusionnistes étudient la psychologie des spectateurs et créent des routines entières destinées à les abuser. Car il ne s’agit pas seulement de tromper leurs yeux, mais aussi leur esprit. Le but n’est pas de faire rire parce qu’une pièce de monnaie disparaît ; c’est de convaincre le public que tout ce qu’il voit et imagine se produit dans une certaine perspective alors qu’en réalité, le tour s’accomplit à un autre niveau. Il y a une chose que vous ne devez jamais oublier. »

« À mon avis, déclara-t-elle, c’est de cette façon qu’il va s’y prendre. Le meurtrier, je veux dire. Il va utiliser la diversion. Vous serez convaincus d’avoir deviné ce qu’il prépare, mais ça fait partie de son plan. Comme moi tout à l’heure, il se débrouillera pour retourner contre vous vos soupçons et votre intelligence. En réalité, il a besoin de vos soupçons et de votre intelligence pour réussir ses numéros. M. Balzac dit toujours que les meilleurs illusionnistes maîtrisent tellement bien leurs tours qu’ils n’hésitent pas à dévoiler leur méthode, ce qu’ils s’apprêtent à réaliser. Mais vous ne les croyez pas. Vous regardez dans la direction opposée. Résultat, vous vous laissez berner. Vous avez perdu, ils ont gagné. »

L’intérêt de l’intrigue ne faiblit jamais, l’auteur mettant un soin tout particulier à nous décrire avec précision les techniques de « misdirection » qu’applique Le Manipulateur, et rouerie suprême, il nous les applique à nous lecteurs, consentants et captifs, sans que nous nous doutions du subterfuge une seule seconde. Il parsème son histoire d’autant de pièges et de fausses pistes pour nous duper.

«  La misdirection… M. Balzac affirme que c’est le cœur et l’âme de l’illusion. Vous avez déjà entendu dire que la main était plus rapide que l’œil ? Eh bien, non, ce n’est pas vrai. L’œil est toujours plus rapide. Alors, les illusionnistes se débrouillent pour leurrer le regard afin qu’il ne s’attarde pas sur ce que fait la main. »

Une fausse bonne idée d’écriture est de nous proposer, en fin de chapitre, des petites fiches récapitulatives avec tous les éléments de l’enquête. Normalement, nous aurions dû l’intégrer à la lecture du chapitre. Le style est rythmé, précis dans ses descriptions, didactique, les méthodes d’analyse des indices sont décrites de façon très détaillée.

Le style est fluide, à défaut d’être rythmé, précis dans ses descriptions, didactique mais loin d’être ennuyeux. Les personnages ne manquent pas d’épaisseur : Lincoln, frustré d’être captif de son propre corps mais dont la saisissante vivacité d’esprit fait merveille , Amelia policière passionnée, dont le l’habileté dans l’analyse de scènes de crime et la recherche d’indices fournissent le matériau de bases pour les enquêtes de ce duo si particulier. Ils sont visiblement très épris l’un de l’autre, mais dans une totale discrétion.
Les seconds rôles sont également bien dessinés, de Kara qui est un rouage essentiel de l’intrigue, et Thom le garde-malade qui, bien que cantonné à un rôle de l’ombre, est d’une importance capitale pour le bien-être et la survie de Lincoln.

Après « Carter contre le diable », de David Glen Gold, c’est le deuxième livre en quelque mois où la magie et l’illusionnisme tiennent une place importante, et cette ambiance de mystère et de fantasmagorie ajoutent encore au plaisir de la lecture.
A ce roman, je ne ferai qu’un seul reproche, c’est de s’être un peu étiré en longueur. Il eut pu être un peu allégé sans que le lecteur s’en trouve frustré.
Malgré cela, encore une fois, du très bon Jeffery Deaver.

Éditions Calmann-Lévy Suspense, 2006
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4ème de couv.

homme qui disparaitNew York est le théâtre de meurtres étranges, qui ont tous un point commun : la méthode utilisée pour tuer les victimes semble s’inspirer de numéros célèbres mis au point par de grands maîtres de l’illusionnisme et du cirque. Comment identifier le meurtrier puisque c’est justement un manipulateur, expert dans l’art du transformisme, toujours prompt à endosser une nouvelle apparence, et d’une agilité physique diabolique ? Le défi est majeur pour le couple d’enquêteurs exceptionnels que sont Lincoln Rhyme, pourtant cloué sur son lit de paraplégique, et sa compagne, la perspicace Amelia Sachs, aidés par Kara, une jeune magicienne surdouée. Sauront-ils le relever ? Un thriller redoutable, qui plonge le lecteur dans les coulisses fascinantes du monde de l’illusion.

L’auteur:

DeaverAuthorPhoto200Jeffery Deaver (né le 6 mai 1950 à Glen Ellyn, près de Chicago) est un écrivain américain de roman policier, connu notamment pour les enquêtes de son héros récurrent et paraplégique Lincoln Rhyme.
Après des études de journalisme puis de droit, Jeffery Deaver devient chroniqueur judiciaire, avant d’intégrer un cabinet d’avocats de Wall Street. Il se lance ensuite dans l’écriture de romans policiers, puis décide d’en faire son métier vers 1990.
Son personnage le plus populaire est Lincoln Rhyme, un inspecteur devenu paraplégique à la suite d’un accident lors d’une enquête, accompagné d’Amelia Sachs. Les deux personnages se rencontrent dans Le Désosseur, premier roman de la série, adapté au cinéma avec Denzel Washington et Angelina Jolie.

Glen David Gold – Carter contre le diable

Carter_contre_le_diable4ème de couv.

1920, San Francisco. Carter le Grand, l’un des prestidigitateurs les plus célèbres du pays, donne ce soir-là un spectacle exceptionnel devant le président des États-Unis, Warren G. Harding, qu’il invite sur scène pour participer à l’un de ses stupéfiants numéros. La représentation est un triomphe mais, quelques heures plus tard, le président meurt mystérieusement dans sa chambre d’hôtel. Sachant qu’il va être suspecté, Carter disparaît afin de mener sa propre enquête. Aurait-il eu des raisons de se débarrasser du locataire de la Maison Blanche ? L’agent Griffin, des services secrets, se lance alors à ses trousses. Mais affronter un génie du trompe-l’œil et de l’illusion tel que Carter ne va pas être chose aisée.
Dans les années folles, au début du 19ème siècle, avant l’essor du cinématographe, le divertissement était cantonné aux théâtres ou évoluaient des acteurs, chanteurs, gens de cirque et autres prestidigitateurs. Dans les années 20, le monde avait besoin de s’étourdir, de s’émerveiller pour se sentir à nouveau vivant. Les spectacles de magie tenaient le haut du pavé. C’est dans ce cadre que Glen David Gold place son roman, inspiré par des personnages ayant existé, et met en scène la mort du président Warren Harding et son empoisonnement supposé. Le lever de rideau nous décrit le spectacle ou le président est mis à contribution, puis disparaît. L’agent Griffin, du Secret service, se lance sur les traces de Carter, convaincu qu’il est impliqué dans la mort du Président.

Ce que j’en pense :

La mort du Président Harding qui nous est relatée dès le lever de rideau, est anecdotique. Elle n’est que le point de départ d’un récit, prétexte à raconter la vie d’hommes et de femmes aux destins différents, dans ce début d’ère industrielle moderne où des nouvelles formes de divertissement commencent à se manifester. La jeunesse de Carter, la découverte de sa vocation pour la magie, ses progrès dans ce métier qu’il a choisi, ses rencontres amoureuses, l’ affrontement avec son ennemi juré Mystérioso, un autre magicien, sont le fil rouge de ce récit, hommage vibrant à une époque révolue et à une profession quelque peu surannée.

Malgré sa longueur (800 pages), ce kilo de littérature est parfaitement digeste, absolument bien écrit et scénarisé, avec un art consommé pour nous tenir captifs, nous forcer à avancer de chapitre en chapitre au fil des aventures de Carter, de ses succès et de ses échecs.

Les personnages sont très bien dessinés, avec un mélange bien dosé entre personnages réels et imaginaires : Carter bien sûr au premier chef, fascinant magicien, toujours en quête d’illusions inédites, Griffin l’homme des Services secrets, qui a été placardisé pour n’avoir pu empêcher la mort d’un président, et qui s’obstine à vouloir voir en Carter un coupable, même lorsqu’on le met au-devant de la réalité. Mystérioso, particulièrement retors et cruel, est un méchant que l’on aime détester. Les deux personnages féminins aimées de Carter, Sarah Annabelle volontaire et bagarreuse, Phoebé sensible et intuitive, sont touchantes, chacune à sa manière.

J’ai bien aimé la manière de l’auteur d’inclure dans le spectacle de Carter des nouveautés, qui font aujourd’hui partie de notre quotidien, la télévision inventée par le jeune Philo Farnsworth jeune étudiant de l’Utah, une motocyclette R32 de Bayerische Motoren-Werke « frappée du logo de Max Friz, un cercle divisé en quartiers bleus et blancs, seule touche de couleur. »

Ce roman, pas vraiment un thriller, nous transporte dans le monde de l’imaginaire, du surnaturel et du merveilleux. On passe du rire aux larmes, de l’espoir à l’abattement le plus total, en totale osmose avec les personnages, au rythme des hauts et des bas que connaissent Carter et ses amis. Et au bout de ce marathon d’aventures, de magie et d’amour, quand viendra enfin l’heure des révélations  Carter nous contera, à la toute fin, l’étonnant récit de son implication dans le mystère de la mort du président Harding, laissant sans voix le suspicieux Griffin et le lecteur, spectateur émerveillé de cette féérie, absolument comblé, le cœur battant, ému aux larmes, des rêves plein la tête et des étoiles plein les yeux. Et c’est vraiment ça la magie au cœur de ce magnifique roman, inclassable et merveilleux…
A découvrir de toute urgence!

Publié par Super8 Éditions 2014

L’auteur :

glen david goldGlen David Gold (né en  1964) est un auteur américain. Son roman « Carter contre le Diable », biographie romancée d’un illusionniste américain, fut unanimement saluée par la critique. Son second roman « Sunnyside », n’a pas encore été traduit en français.
Il est également l’auteur de nouvelles et a participé à l’écriture de Comic books

(Source : Wikipédia)