Christophe Molmy – Quelque part entre le bien et le mal

Nous retrouvons dans ce roman le Commissaire Renan Pessac, qui a quitté la PJ à la suite d’une affaire douloureuse, qui s’est soldée par la mort de son indicatrice Tania (cf « Les loups blessés »). Il est maintenant le patron d’un commissariat de quartier à Levallois, et reprend peu à peu ses marques avec la vie.
Il y a là Coline, une jeune gardienne de la paix qui brûle de faire ses preuves, et d’intégrer la prestigieuse Police Judiciaire. Appelée pour faire les premières constatations sur les lieux d’un suicide présumé, certains détails attirent son attention. La scène du crime et le profil de la « suicidée » sont étrangement similaires à d’autres suicides qu’elle a eu à constater. Même type de jeunes femmes, minces et blondes, mortes par pendaison, habillées d’une fine robe blanche, et les cheveux tressés de la même façon. Coline y voit là les indices de meurtres maquillés en suicides, l’œuvre d’un tueur en série. Elle s’en ouvre à son patron, le Commissaire Pessac. Quelque peu réticent au départ, Pessac, devant la ténacité de la jeune femme, et les indices concordants qu’elle lui soumet,  l’autorise à creuser un peu plus cette affaire.
Appuyée par Pessac, Coline trouvera de l’aide auprès de Sophie, analyste criminelle au SALVAC, pour le fastidieux travail de recherches nécessaires pour étayer son dossier.

Parallèlement à cela, nous découvrons le quotidien de Philippe Lelouedec, ancien adjoint de Pessac à la P.J, entre une prise d’otage, et une enquête visant à prendre en flag une bande de manouches, spécialistes du braquage de guichets automatiques de banque.
Et pendant ce temps, dans l’ombre, le meurtrier tient en laisse son chien noir, dans l’attente de sa prochaine victime.

« Le vol, c’est un métier comme un autre. Franck Schmidt en vivait depuis qu’il était enfant. Depuis que son père lui avait expliqué qu’en dehors des siens prendre ce qu’il désirait n’était pas du vol mais un mode de vie. Celui de gens qui avaient refusé le choix facile d’un appartement de banlieue et d’un petit boulot. Celui de ses oncles, de ses cousins… Il avait vite compris que, pour durer, le secret était de se gaver sans être trop regardant, ramasser tout ce qui était possible sans devenir trop gourmand. L’intérêt majeur de cette vie était la liberté. Ce qu’il devait préserver avant tout. »

Christophe Molmy, chef de la BRI, est tout à fait à son aise pour nous décrire un milieu qu’il connaît bien. Le roman est très réaliste, sans sombrer dans la surenchère de violence ou de sang. Les procédures d’enquête sont très bien décrites, ainsi que le travail bien souvent ingrat et répétitif de recueil et de recoupement des informations, qui constitue le socle de toute enquête.

Au travers des querelles de territoire qui peuvent exister entre les différents services de police, Coline, simple fliquette d’un commissariat de quartier, éprouve la crainte d’être dessaisie de son enquête, au profit de la grosse machine que représente la PJ.

Tous les personnages, aussi bien les «  bons » que les « méchants », sont très fouillés et traités avec beaucoup de soin et d’humanité. Certains d’entre eux nous sont diablement attachants.
La narration, très rythmée, alterne les points de vue des différents protagonistes, policiers, braqueurs et manouches. L’auteur nous fait partager les états d’âme du tueur, qui n’en peut plus de maîtriser son chien noir… L’écriture est fluide et précise, émaillée de nombre de termes du jargon policier, et ponctuée d’expressions en langue manouche, qui apportent à cette histoire un supplément d’authenticité.
C’est aussi un constat sur le machisme et la misogynie qui existent encore dans certains milieux essentiellement masculins, la difficulté pour une femme de s’y faire une place et d’être reconnue à sa juste valeur.

L’ensemble donne un roman tout à fait percutant, au suspense constant, qu’on a du mal à lâcher avant d’en avoir tourné la dernière page.
Une très belle découverte que ce roman. Je recommande!

Éditions La Martinière, 2008

4ème de couv :

Coline a toujours rêvé d’intégrer la P.J. Mais elle n’a ni l’allure ni l’audace qu’on prête aux grands flics parisiens. Et puis… c’est une femme. Elle végète dans son commissariat de banlieue, jusqu’au jour où le suicide d’une jeune femme la met sur la piste d’un tueur en série.

De son côté, Philippe, vieux routier du 36 quai des Orfèvres, se débat avec une prise d’otages et des braqueurs manouches qu’il rêve de saisir en flagrant délit. Se peut-il que ces affaires soient liées ? Et jusqu’où chacun ira-t-il pour sauver sa peu. Ou risquer la sienne ?

Dans les rues de Paris se croisent flics, avocats, voyous et victimes. Au milieu de tout ce monde, le chien noir veille. Celui qui patiente, tapi en chacun de nous. Le maître de nos pulsions. Et qui n’attend qu’un bruit infime, un geste, pour se réveiller et nous emporter dans sa furie.

L’auteur:
Christophe Molmy est chef de la BRI de Paris (Brigade de recherche et d’intervention, dite aussi Brigade antigang), service spécialisé dans la lutte contre le grand banditisme. Il a connu les enquêtes de terrain, les filatures, les planques avec les montées d’adrénaline et les arrestations en flagrant délit. Il a également vécu de l’intérieur, les pages sombres de l’actualité de ces dernières années : les attentats contre Charlie Hebdo, contre l’Hypercacher et la tuerie du Bataclan.
Après « Les loups blessés », « Quelque part entre le bien et le mal » est son deuxième roman.

Estelle Tharreau – Mon ombre assassine

Nadège Solignac est incarcérée sous l’inculpation d’homicide sur la personne de Jérôme Bianchi, un policier qui aurait tenté de la violer. Depuis sa cellule où elle attend son procès, elle raconte son histoire.

Fille de deux artistes céramistes, un peu bohèmes, la petite Nadège grandit sans amour, entre un père indifférent et une mère à moitié folle. La bastide familiale est pour elle une sorte de prison, et sa chambre au 2ème étage son seul refuge. Déjà peu socialisée, son entrée à l’école maternelle et le contact soudain avec le monde bruyant de l’enfance lui vaut des moments de panique.

« Puis il y eut ce cri. Strident et prolongé. Un seul cri qui fit taire tous les autres. Dans un état second, j’ouvris les yeux. Le tourbillon s’était arrêté. Seul le cri survivait, aigu, infini. Le monde s’était figé. Il ne restait plus que des corps immobiles et des yeux fixés sur moi.
   Je compris lorsque la maîtresse affolée m’entraîna avec elle et que le silence revint. Ce cri provenait de ma bouche. Les enfants s’écartèrent sur notre passage, l’incompréhension et la peur imprimées sur leurs visages. »

Dès lors pour Nadège commence l’apprentissage de la manipulation. La naissance d’une petite sœur, lourdement handicapée, qu’elle surnomme « le monstre », viendra encore assombrir le tableau familial.

J’ai bien aimé la construction du roman, entrecoupé d’articles de journaux et extraits de PV d’audition. Il n’y a pas d’enquête à proprement parler. C’est Nadège qui nous raconte son parcours, l’inéluctable métamorphose qui la conduira, d’enfant insignifiante et apeurée, à devenir une tueuse froide et calculatrice, cachée à la perfection sous le masque de l’institutrice compétente et attentionnée.

« Vous n’imaginez pas ce qui peut se passer dans une salle de classe lorsque vous avez tourné les talons et que la porte de l’école se referme sur vos enfants, seuls pendant des heures avec l’adulte en qui la société vous a dit de faire confiance.
Lorsque le calme était total, lentement, à contre-jour, je savourais de voir mon ombre effleurer ces petits corps immobiles et sans défense sous le regard de mes collègues et de certains parents qui, à travers la vitre, en venaient à oublier la silhouette des usines aux fumées mortifères. Ils ne s’attachaient qu’à la sérénité de l’instant sans percevoir ce que moi je voyais : un alignement de petits cadavres sur lesquels je régnais. »

L’écriture est dynamique, empreinte de réalisme. La psychologie de Nadège, la façon dont elle planifie ses meurtres, son manque total d’empathie, et le plaisir qu’elle prend à faire le mal sont très bien décrits.
Les chapitres défilent sans accroc, en un angoissant engrenage infernal, dont on ne sait que trop bien où il va nous conduire.
Malgré moi, je me suis laissé captiver par ce personnage, pourtant éminemment détestable. Entraîné dans le sillage de cette femme insensible et glaciale, experte en manipulation, jusqu’à son procès et le dénouement de son histoire, en forme de point final… ou point d’interrogation ?

Une très bonne lecture, que je recommande…
Éditions Taurnada, Janvier 2019

4e de couverture :

En attendant son jugement, du fond de sa cellule, Nadège Solignac, une institutrice aimée et estimée, livre sa confession. Celle d’une enfant ignorée, seule avec ses peurs. Celle d’une femme manipulatrice et cynique. Celle d’une tueuse en série froide et méthodique. Un être polymorphe. Un visage que vous croisez chaque jour sans le voir. Une ombre. Une ombre assassine.

 

 

L’auteure:

Estelle Tharreau
Après avoir travaillé dans le secteur privé et public, cette passionnée de littérature sort son premier roman en 2016, Orages, suivi de L’Impasse en 2017. Depuis, elle se consacre entièrement à l’écriture, avec De la terre dans la bouche en 2018,  et ce dernier roman, Mon ombre assassine, en 2019.

 

Isabelle Villain – Mauvais genre

Hugo Nicollini est un garçon calme et sensible, peut-être un peu trop couvé par sa mère, au grand dam de son père, qui voudrait le voir s’adonner a des activités un peu plus viriles, comme le foot par exemple. Cet homme  est très violent envers son épouse, et lorsque les coups pleuvent, c’est Hugo qui se charge d’appeler les secours. Un soir, une autre dispute, plus violente que les précédentes verra sa mère succomber sous les coups de son mari. Cette fois-ci, Hugo appellera non seulement les secours, mais aussi la police. Au procès de son père, il sera également son premier accusateur.

Vingt-trois ans plus tard : Angélique, une jeune kinésithérapeute rentre chez elle après s’être disputée avec son ami. Au petit matin on la retrouve poignardée dans son appartement. L’affaire est confiée à l’équipe de la Commandante Rebecca de Lost. Les premières constatations, absence de traces d’effraction, de vol, et de blessures de défense donnent à penser que la victime connaissait son agresseur.

« De l’autre côté de la porte laissée entrouverte, les voisins enfermés à double tour et bien emmitouflés sous leur couette douillette dorment à poings fermés. Ils n’entendent ni les cris ni le bruit sourd d’un corps qui tombe à terre. »

A l’autopsie, le légiste va faire une découverte surprenante qui va orienter l’enquête vers le petit ami. Quels étaient les motifs de leur dispute, le soir précédant le drame ? Pendant que Rebecca de Lost et son équipe commencent à exploiter les différentes pistes qui s’offrent à eux, une femme est retrouvée morte étouffée et les mains broyées.

« Dans sa poche de veste apparaît une feuille de papier sur laquelle est inscrit un mot « En souvenir du bon vieux temps, pour vous Commandant de Lost ». »

 

Tous les éléments de la scène de crime font penser au « tueur au marteau » qui a sévi sept ans auparavant. Mais Rebecca et son équipe l’ont arrêté et il purge sa peine de prison… Auraient-ils commis une erreur et arrêté un innocent à l’époque ?

Rebecca est veuve, la quarantaine bien entamée. Depuis la mort de son mari, elle se consacre entièrement à son métier. Sa relation avec Tom, un policier d’une autre brigade, lui apporte un certain équilibre sentimental. Elle gère son équipe d’une main ferme, en tenant compte de la personnalité de chacun pour arriver à faire fonctionner le groupe avec le maximum d’efficacité. Et elle en aura bien besoin, avec ces deux affaires simultanées qui lui tombent dessus, et dont l’une la touche à titre très personnel.

Le personnage de Rebecca de Lost apparait dans d’autres romans d’Isabelle Villain. Il n’est pas nécessaire de les avoir lus, pour arriver à cerner les personnages de Rebecca et de son équipe, à qui on s’attache rapidement.

Le roman est constitué en chapitres courts, d’une écriture nerveuse, et ne nous laisse que peu de temps de répit. Les indices, fausses pistes et rebondissements se suivent jusqu’au dernier coup de théâtre, vraiment inattendu.  Une dernière surprise, en forme de « cliffhanger » qui nous laisse augurer d’une possible suite.

Ce roman aborde différents sujets de société, parmi lesquels la violence domestique. Elle traite de ces sujets avec tact et intelligence. Je n’avais pas le plaisir de connaître la plume d’Isabelle Villain, et la découverte de ce thriller dynamique et nerveux est pour moi une très bonne surprise. Éditions Taurnada, novembre 2018.

    4ème de couv:

mauvais-genre1Hugo Nicollini est un garçon différent des autres gamins de son âge. Un père brutal. Une maman protectrice. Un soir, il est témoin d’une dispute entre ses parents. Une de plus. Une de trop. Cette fois-ci, sa mère succombera sous la violence des coups. Vingt-trois ans plus tard, l’équipe du commandant Rebecca de Lost enquête sur la mort d’une jeune femme, sauvagement poignardée dans son appartement. Pas d’effraction. Pas de vol. Pas de traces de défense. L’entourage de la victime est passé au crible, et l’histoire du petit Hugo va refaire surface bien malgré lui.

    L’auteure:

Née au Maroc en 1966, Isabelle Villain a travaillé pendant une quinzaine d’années dans la publicité, l’évènementiel et l’organisation de salons professionnels. Amatrice de littérature policière depuis l’enfance, elle obtient en 2015 le prix Maurice Bouvier pour Peine capitale, et en 2016 le prix polar du festival Jeter l’Encre pour Âmes battues.

         

Marie Talvat et Alex Laloue – Comme des bleus

Pauline Raumann est une jeune femme un tantinet perturbée. Jeune journaliste au Baromètre, un journal en ligne d’info à sensation, elle a tendance à boire un peu trop et collectionne les aventures amoureuses sans lendemain. Dans ses moments de grande déprime, elle tient des conversations avec son père, décédé depuis un peu plus d’un an. Un matin, en rentrant à son appartement, elle voit la porte de sa voisine barrée par deux rubans adhésifs rouges de scellés judicaires, et placardée sur la porte une fiche : « Affaire contre : inconnu – Motif : homicide. »
Adèle Gallardo a été sauvagement assassinée, éventrée, et le fœtus de 4 mois qu’elle portait jeté dans la cuvette des WC.
Arsène Galien, dit Lupin est chargé de l’enquête de voisinage par son chef de groupe le Commandant Haribo, alias Dragibus. Lors de son premier entretien avec Pauline, le courant passe immédiatement entre eux, et cette attirance qu’ils éprouvent l’un pour l’autre ne tardera pas à les conduire au lit. Coucher avec son témoin, ce n’est pas très professionnel, d’autant plus que le dit témoin est une journaliste d’un canard à scandale.
Ce roman est écrit à quatre mains, une alternance de chapitres sobrement intitulés « elle » et « lui », nous racontant l’histoire du point de vue de Pauline et d’Arsène. Cette alternance donne au récit une réelle vivacité.
On s’identifie sans peine à nos deux héros, psychologiquement bien dessinés. Les autres personnages sont également traités avec beaucoup de soin.
Le style est fluide et enlevé, d’une lecture facile, avec pas mal de touches d’humour. Les dialogues entre les membres de l’équipe de flics qui se vannent, permettent d’atténuer un peu la noirceur de ce qu’ils vivent au quotidien. La narration est suffisamment rythmée, l’intrigue bien ficelée, avec assez de rebondissements pour nous tenir en haleine jusqu’au dénouement, pour le moins inattendu.

« Partir aux Batignolles, c’est quitter de la moisissure pour des surfaces qui brillent, c’est quitter le XIXème siècle pour le XXIème. Partir du 36, c’est quitter cette femme que l’on aime depuis vingt ans pour une bimbo de banlieue. Quitter le 36 c’est, la mort dans l’âme, fermer la porte sur l’histoire pour en écrire une nouvelle, avec ce doute persistant : sera-t-elle aussi intense ? »

Entre ces lignes on sent poindre la nostalgie des flics qui vont être amenés à quitter le 36, Quai des orfèvres, siège historique de la P.J. pour déménager aux Batignolles.
Malgré le sujet difficile, j’ai trouvé beaucoup de fraîcheur dans ce premier roman, un très bon moment de lecture détente, signé par un duo d’auteurs prometteurs.
Et un livre de plus à mettre dans la valise pour les vacances !

Éditions Sang Neuf, 2018

4ème de couv :

Paris, novembre 2016. Le sordide assassinat d’une femme enceinte secoue l’opinion publique. La Crim’ est sous pression. Il faut dire que tous les ingrédients du scandale sont réunis : une victime, fille d’un ténor du barreau, des élections qui approchent à grand pas et une presse qui se déchaîne.

Dernière recrue du groupe chargé de l’enquête, Arsène Galien est tout de suite plongé dans le grand bain. Entre doute et excès de zèle, il compte bien profiter de cette affaire pour gagner la confiance de ses supérieurs. Quant à Pauline Raumann, jeune journaliste voisine de la victime, elle se serait bien passée d’être mêlée à cette enquête, qui fait ressurgir en elle des démons oubliés.

Reflets d’une génération en quête de sens, les deux novices ont des idéaux et des incertitudes plein la tête. Alors qu’une irrésistible attraction les pousse toujours plus près l’un de l’autre. Ils vont finir par se laisser emporter par une affaire hors du commun, à la poursuite du pire des tueurs.

Les auteurs :
Marie Talvat et Alex Laloue ont tous deux vingt-huit ans. Couple à la ville comme à la plume, « Comme des bleus » est leur premier roman. Alex est policier au sein de la prestigieuse police judiciaire parisienne. Marie, quant à elle, s’est fait connaître par sa chaîne Youtube « L’instant inutile » après des études de journalisme.