Gilles Vincent – Trois heures avant l’aube

Mon ressenti:

– Au Nord-Ouest du Pakistan, Kamel, jeune djihadiste Français visionne la vidéo d’un attentat suicide. Il a terminé sa formation et doit être renvoyé en France où lui sera assignée sa mission. Quelques jours plus tard, un jeune militaire est retrouvé égorgé dans les toilettes de la Gare St Charles à Marseille.
– A Valenciennes, Sabrina, jeune femme dépressive, entend à la radio que le pédophile belge Jean-Marc Ducroix pourrait demander sa libération conditionnelle. Elle ne peut l’admettre. Quelque jours après, Nadine Richard, complice et épouse de Ducroix, est retrouvée égorgée près du couvent où elle avait trouvé refuge.
– Dans le Morbihan, Gregor Morvan, vient d’apprendre qu’il se retrouve sur le carreau suite à la délocalisation de l’entreprise de volaille pour laquelle il travaillait depuis trente ans. Pour marquer les esprits, il décide de frapper un grand coup en enlevant le patron.

A partir de ces trois histoires si différentes, prenant racine dans des lieux très éloignés, Gilles Vincent nous embarque dans une enquête folle, rythmée, sans aucun temps mort. Au fur et à mesure du roman, et de l’avancée de chacune des enquêtes que l’on suit en parallèle, des points communs vont se faire jour, improbables ponts et connexions dus au hasard. Ces trajectoires de ricochet finiront par devenir lignes de fuite, toutes tendant vers le même point, trois heures avant l’aube, ultime délai avant l’inéluctable.

L’intrépide commissaire Aïcha Sadia, que nous connaissons depuis quelques romans déjà, est concernée au plus haut point par cette enquête : le djihadiste meurtrier n’est autre que son neveu Kamel, dont la famille avait perdu la trace depuis plusieurs mois.

Chacun des acteurs de l’histoire a une belle épaisseur psychologique et fait partie intégrante de ce puzzle si savamment ordonné. Au fil de ses romans, l’auteur entretient toujours une tendresse toute particulière pour ses personnages. Les flics et leur univers personnel sont intimement mêlés à l’intrigue, ce qui nous les rend encore plus proches, et plus réels.
On sent également de la part de l’écrivain une grande bienveillance pour les gens « ordinaires », ces Français moyens de tous horizons, pour lesquels la vie n’est pas toujours facile.

L’accent est mis aussi sur l’humain, sur ce qui fait que l’on peut basculer un jour d’un côté ou de l’autre, par la persuasion basée sur l’affectif plutôt que sur la contrainte , comme le montre cet extrait plein de douceur:
 »Lui apprendre à lire sans la peur des mots, à quitter ses rangers qui lui meurtrissent l’arc du pied. Abandonner le cuir des blousons, guérir sa bouche du métal qui la blesse. Accepter de nouer ses cheveux contre la nuque, de savourer la douceur du foulard, apprendre à maîtriser la colère, lui trouver d’autres cibles…. La sentir s’adoucir au fil des semaines, aimer la caresse du voile sur ses joues…. En faire une sœur, une complice, une presque fiancée. Deviner en elle la guerrière, l’envie de se battre et de tout sacrifier. »
Et, en contrepoint à cette douceur,  l’auteur met dans la bouche d’Aïcha des mots très durs pour décrire le combat dans lequel s’est engagé Kamel. :
« Parce que la politique, la vraie, c’est pas à coups de grenades, mais à coups de mots, de débats, de dialogue. Par contre, égorger un type de vingt-trois ans dans les chiottes d’une gare, tuer une mère et sa gamine de huit ans à bout portant, mitrailler des gens, planqués derrière leur siège, les exécuter comme des bêtes terrorisées, ça, Kamel c’est bien plus que de la merde… C’est la honte absolue, la négation de toute humanité. »

Gilles Vincent, à travers ce roman, ne prend pas parti, il ne s’érige ni en juge ni censeur. Il se borne, de façon drôlement efficace, à nous raconter une histoire, qui prend sa source dans des évènements qui ont marqué l’actualité récente. (Comment ne pas faire le lien avec Marc Dutroux, les volailles Doux et l’affaire Mohammed Merah ?).
Gilles Vincent a un talent indéniable de conteur d’histoires. Avec cet ouvrage, entre polar et thriller, qui marie avec une grande habileté les règles du polar classique avec l’actualité la plus brûlante, l’auteur signe là encore un excellent roman… Et on en redemande !

4ème de couv.

Mise en page 1Kamel, vingt et un ans, armé pour la guerre sainte, s’apprête à verser le sang de l’ennemi. Bientôt un jeune militaire est sauvagement assassiné dans les toilettes de la gare Saint-Charles à Marseille. Sabrina, trente-cinq ans de déprime et d’obsessions, claque la porte de son HLM de Valenciennes. Un peu plus tard, la complice du pédophile Jean-Marc Ducroix est égorgée en Belgique, aux portes d’un couvent. Grégor, trente ans d’usine, vient de se faire licencier sans autre formalité. Quelques jours après, à Pleucadeuc, le patron de l’entreprise est victime d’un enlèvement crapuleux…
Entre peur, folie, rage et désespoir… Trois faits divers, trois parcours cabossés, trois vies brisées. Touchée de plein fouet, la commissaire Aïcha Sadia va, dans cette nouvelle enquête, basculer sous nos yeux, de la force à l’anéantissement.

Éditions Jigal, 2014

L’auteur :

gillesvincent6Gilles VINCENT est né à Issy-les-Moulineaux le 11 septembre 1958. Un grand-père député du Front Populaire, grand résistant, déporté… Une grand-mère institutrice, hussarde de la République, bouffeuse de curés. Un père prof de Fac, une mère prof de Lettres, puis psychanalyste. Et c’est du côté de Valenciennes qu’il passe sa jeunesse dans laquelle ne trouvent grâce à ses yeux que les livres et les mondes imaginaires. À 14 ans, au Maroc, il dévore San Antonio jusqu’à en oublier la magie du désert. Sa décision est prise : plus tard lui aussi il racontera des histoires. À 20 ans, il abandonne ses études pour une carrière de commercial. Puis il rejoint le sud, Marseille tout d’abord puis les environs de Pau où il vit depuis quelques années, tout entier consacré à « l’aventure des mots » : ateliers, classes, conférences et romans. Dans les auteurs qui l’ont marqué, on retrouve Duras, Besson, Van Cauwelaert, Jim Harrison, Jesse Kellerman et Frédéric Dard bien sûr ! Dans ses passions se mêlent le ciné, les bouffes entre copains, les courses autour du lac, la lecture, les rêves, tous les rêves, et Madrid où il se verrait bien vivre un jour…

(Source :Éditions Jigal)

14 réflexions sur “Gilles Vincent – Trois heures avant l’aube

    • Je ne saurais te dire si l’ordre de lecture est important, d’autant que c’est une enquête où officie Aïcha Sadia, que l’on retrouve dans d’autres romans, ce qui peut perturber un peu… Mais je te dis ça, je n’en sais rien, je n’ai pas encore lu Hyenae… 😉

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  1. Coucou Vincent,
    A l’heure où je t’écris, j’ai lu de Gilles Vincent le fabuleux « Djebel » et le tout aussi passionnant « Beso de la muerte ». Ta chronique ne fait que renforcer mon sentiment que je lirai tous les romans de cet auteur qui réussit avec maestria à sortir des livres de toute bonne facture même si on peut préférer un titre à l’autre. Le prochain dans ma PAL est « Parjures ». Amitiés.

    Aimé par 1 personne

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