Jacques Bablon – Trait bleu

Sur la couverture, une bagnole déglinguée et cette phrase : « Ça ressemble à l’Amérique, là où les vivants barbotent dans les grands lacs et les morts dans des baignoires remplies d’acide. »
Vous êtes prévenus, ce roman ne sera pas un long fleuve tranquille…

Le narrateur, un homme dont on ne connaîtra pas le nom, dans un pays qui ressemble à l’Amérique, mais ce pourrait être ailleurs. Cet homme-là reconnaît le meurtre de Julian McBridge, dont on a retrouvé le corps au fond d’un lac asséché, avec un poignard dans le bide. Sans surprise, il est jugé et jeté en prison. Passage obligé auprès du psychologue, auquel il livre un passé inventé de toutes pièces et qui fait la part belle à une imagination débridée:
« -Comment voyez-vous votre père ?
J’étais de père inconnu, il était con ou quoi : Plutôt que de lui faire la remarque, je lui ai balancé un truc bidon :
-Comme une chaise vide »

Après les premières semaines pendant lesquelles il travaille à l’atelier à peindre des jouets en bois , il reçoit une visite au parloir. Une certaine Whitney  Harrison, pas Houston. Cette bonne âme visiteuse de prison, lui propose illico de travailler à son évasion, et lors de la visite suivante, lui fait passer un pistolet automatique en pièces détachées dans des morceaux de savon. Son plan pour s’évader est de prendre le directeur en otage.

Notre homme, convoqué chez le directeur, se prépare donc à mettre en œuvre son plan. Surprise ! Il se voit annoncer qu’il va être libéré, des éléments nouveaux étant apparus dans l’enquête.
« J’arrivais pas à savourer la nouvelle. Quelque chose clochait, on essayait de me faire croire que c’était pas moi l’assassin de McBridge ! On me prenait pour un con ? Mon couteau de chasse retrouvé dans le bide du gros lard, c’était plus une preuve ? C’était qui, si c’était pas moi ? »
En réalité il a été innocenté par son ami Izzy qui vient d’avouer le crime. Après les coups de couteau, Izzy avait achevé McBridge d’une balle dans la tête, le rendant libre, enfin, mais enfermé dans sa  culpabilité.

Et au moment où l’on pourrait croire que sa vie va suivre un cours plus tranquille, il va se trouver embarqué dans une suite d’évènements, plus ou moins heureux. Sa personnalité assez fruste, que l’on devine façonnée par une enfance difficile, va le conduire  à réagir au coup par coup, de manière instinctive, brutale.

Il va croiser la route de plusieurs personnes, une bande d’affreux à la recherche d’un magot qu’aurait planqué son ami Iggy, Big Jim à qui il va vendre son bateau, ce qui sera l’occasion d’une belle surprise, Pete le jeune frère d’Iggy, le duo de chanteuses de bar Rose et Emilou (sans doute un clin d’oeil à Emmylou Harris la chanteuse country), Beth et Liza, la femme de Pete et maman d’un petit bébé.

Et sommes surpris de voir cet homme, d’un tempérament plutôt violent, se comporter avec ces femmes avec une douceur, une retenue que nous étions loin d’imaginer. Son attitude devant le bébé de Liza, qui a été abandonnée par son mari, le renvoie à ses questionnements sur la paternité, questionnements renforcés par l’apparition de son père J.Fitzgerald.
« Avant c’était mieux. J’étais juste fils de père inconnu, je baignais dans l’insouciance, j’allais léger. Le père que je m’étais laissé refourguer, en plus de ne pas avoir toute sa tête, était peut-être tueur de flics, à coup-sûr ex-taulard. Embrouilles sur toute la ligne. »

L’écriture très cinématographique, le décor et les protagonistes de l’histoire, m’ont rappelé l’ambiance rustique et poisseuse de  « Fantasia chez les ploucs », avec son cortège de personnages marginaux et un tantinet déjantés.

Un roman qui se lit d’une respiration, très noir, glauque et poisseux,  fait de phrases courtes, abruptes, des mots qui visent juste et frappent fort. Un vocabulaire précis, moucheté de mots d’argot, une écriture fluide, de l’humour… Le rythme imposé ne nous laisse pas de répit, tout au long des péripéties que vit le héros, jusqu’à un final  où le noir s’éclaircit un peu jusqu’à devenir enfin, peut-être bien le seul véritable trait bleu de cette histoire.

Ce roman court et intense, fort et nerveux est une véritable réussite, et un très bon moment de lecture.

Merci à mes amis Pierre, Jean et Bruno de m’avoir « poussé aux fesses » pour me faire découvrir ce livre…

Éditions Jigal, 2015

4ème de couv.

Mise en page 1« Tout a commencé quand on a retrouvé le corps de Julian McBridge au fond de l’étang que les Jones avaient fait assécher pour compter les carpes.
Ils auraient plutôt eu l’idée de repeindre leur porte de grange ou de s’enfiler en buvant des Budweiser et c’était bon pour moi.
McBridge n’était pas venu ici faire trempette, ça faisait deux ans que je l’avais balancé là par une nuit sans lune avec un couteau de chasse planté dans le bide.
835 carpes et 1 restant de McBridge. Les Jones avaient un cadavre sur les bras, ils ont commencé à se poser les questions qui vont avec… »

 

 

L’auteur:

BablonJacques Bablon est né à Paris en 1946. Il passe son enfance dans le 93 à taper dans un ballon sur un terrain vague triangulaire… Ado, il décide de devenir guitariste et de chanter du Dylan pour pouvoir draguer les filles. Plus tard l’exaltation artistique lui tombe dessus par hasard grâce à la peinture.
Il devient professeur à l’École supérieure des arts appliqués. Parallèlement à sa carrière officielle d’enseignant heureux, il publie des BD chez Casterman et devient scénariste dialoguiste de courts et longs métrages.
Trait bleu est son premier roman.

(Source : Site de l’éditeur)

 

 

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